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POESIE SATIRIQUE DTJ XVI e SIÈCLE. 85 Si, à Lyon, on fait joustc ou combat Pour maintenir gentillesse gorricre (1), Se on y joue, quant on gaudit (2), ou combat, Se on y dance ou dresse quelque ébat (3) Et qu'on donne grans coups à la barrière, Est-il besoingt d'en parler en derrière (4) Et en mener (5) une si malle vie ? Du bien d'autruy ne doit-on prendre envie. De nos regars dont voulez brocarder Et dont touchez nous gaignons les seigneurs, Les yeux sont faicts pour voir et regarder, ' Et sJen garde qui s'en voudra garder, Car aux seigneurs sont dus biens et honneurs. Laissez prêcher Carmes, Frères-Mineurs Et Mendiants. — Ce n'est à vous à faire. Ung chacun doit penser de son affaire. Rire, chanter, dancer et caqueter Désirons fort, nous autres de Lyon. Se nous allons par honneur banqueter, En devez-vous tous les sains cliqueter (6), Et en semer (7) de maiilx un million ? Se aux amans nos cœurs humilion, Vous ne deussiez en prendre ennuy, mais ayse. Un jour plaisant en vaut cent do mesaise. Voilà , certes, une profession de foi bien nette et une philosophie joyeuse et facile. On ne pourra pas taxer les Lyonnaises d'hypocrisie : si elles s'amusent, c'est au grand (t) Gentillesse gorricre-, noblesse élégante. (2) Gaudir, se réjouir. (3) Dresser quelque ébat, organiser quelque fête. (4) Parler en derrière, médire, chuchetter tout bas derrière les gens. (5) C'cst-à -dirc, et de supposer qu'on mène une si mauvaise vie. Les ellipses de ce genre sont assez fréquentes dans cette pièce. (6) Tous les sains cliqueter, invoquer tous les saints à grand bruit, les étourdir. (7) Autre exemple d'ellipse.