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vécut, si l'on peut dire, à longs traits, il fut le familier de ce qu'il y eut
de plus haut dans la pensée ancienne, mais il se plut aussi à en suivre le
parcours ou plutôt le dessin^ et comme la résonnance profonde dans
l'harmonie de la terre et dans les habitudes de la vie. L'histoire lui était,
non l'herbier des faits, mais la pulsation affaiblie, toujours sensible, de
l'humanité d'autrefois. Sur ces rives parfumées, entre le pin et le cyprès,
contre les murs roux, parmi les vastes ondulations de la Campagne, il en
retrouvait l'ombre et la lumière. Elle lui apparaissait toute présente. Mer-
veilleusement apte à l'étude des textes, à l'analyse critique, il savait en
dépasser les limites sans en fausser les résultats. Mesure admirable d'un
esprit bien fait, ou plutôt d'une âme bien née. Nul ne fut plus sensible et
plus harmonieux Méditerranéen que ce beau Celte. Aux jours de sa jeu-
nesse se formait déjà en lui ce faisceau de préférences si heureusement
liées qui, après des voyages à travers le monde, devaient le ramener à la
Provence comme à une terre d'élection, comme à une Gaule à la fois hel-
lénique et romaine, trois fois digne d'être aimée.
      Il revint parmi nous. Il enseigna quelque temps dans un petit lycée,
et puis sa vie changea, s'élargit, prit un cours plus vaste. Il était de ces
rares hommes qui, dans nos démocraties agitées et petites, claquemurées
dans l'esprit de spécialité et dans le sophisme de la compétence, fussent
nés pour les initiatives et pour les commandements. Placé par une affection
tendrement clairvoyante à la tête d'une grande entreprise, loin de s'y trou-
ver dépaysé ou diminué, cet humaniste, cet historien y apporte la puis-
sance des idées claires, l'art de filtrer et d'enchaîner les faits. Il y gagna
lui-même en expérience humaine et s'accrut de tout ce que n'enseignent
pas les pures disciplines de l'esprit. Rare équilibre que celui de ces fonctions
diverses. Il y réfléchissait, il travaillait sur lui-même et, sans se donner en
exemple, il voulait faire bénéficier sa ville de ces échanges si féconds entre
deux formes de l'activité.
      Il fit la guerre avec simplicité. Ses blessures dont il ne parlait jamais,
sa croix, modestement portée, la tendresse de ses hommes et de ses amis,
toute la clarté de son âme droite, toute son énergie sans fracas, quels témoi-
gnages de sa vertu de soldat ! Combien il nous était cher, si brave et si
menacé. Les souvenirs de ces années jettent sur le front de ceux qui les ont