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     Le centre de la dépression se déplace, sensiblement, en ligne droite et avec
une vitesse uniforme.
     Bien certainement, il ne s'agit là que d'une première approximation,
mais jusqu'ici l'ensemble de ma construction reste logique, puisque toutes
les autres sciences m'apprennent que, en première approximation, tout mou-
vement est rectiligne et uniforme : je n'ai plus qu'à progresser dans cette
bonne voie en étudiant plus en détail les mouvements particuliers des
divers types de dépressions.


La dépression est capricieuse.
      Ayant ainsi poursuivi mes études théoriques de météorologie, ayant
conscience de bien comprendre la première approximation des phénomè-
nes, sachant qu'il fallait être un peu patient et prudent, « voir venir », je
décidai d'en faire ma carrière avec l'espoir d'être appelé aux plus hautes
destinées, grâce à une suite ininterrompue d'infaillibles prédictions.
      Le hasard me favorisa aussitôt.
      Partie du sud de l'Islande le 11 avril au matin, une dépression est le
soir sur l'Angleterre et dépasse Francfort le lendemain matin. Elle marche
vite, faisons vite aussi et mieux : j'alerte aussitôt le sud de l'Italie. Elle se
ralentit et ne dépasse guère Bologne le 13 au matin : mais cet incident tourne
à mon avantage et je suis félicité d'avoir alerté largement à temps. La tra-
jectoire s'affirme bien rectiligne et je joue à coup sûr ; je télégraphie pour le
14 : « Demain 14 : dépression sur la Méditerranée ; le matin, son centre sera
au large de Naples, ce qui commande les vents entre W et S pour le sud de
la péninsule ; à Palerme, le vent fraîchira progressivement de 8 à 10 mètres,
entre SW et W, ciel couvert, mer agitée ; à Malte, pluie, la mer commence à
s'agiter, vents NNW de 8 à 10 mètres environ ».
      Tout cela se réalise à merveille : mon directeur se frotte les mains, me
félicite et m'invite à déjeuner. C'est en somme un beau succès.
      L'occasion était belle ! Ah ! l'on reproche aux fonctionnaires de man-
quer d'initiative. Eh bien! vous allez voir ce que vous allez voir : je pensai
qu'il fallait profiter d'une telle aubaine, audaces... pour frapper un grand
coup décisif pour ma carrière, qui s'annonçait sous les plus brillants auspi-