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— 276 — Les témoignages irrécusables abondent pour ce que je viens d'avancer. Au début, Eole poursuivait fort pacifiquement en son île l'éducation et la gymnastique pulmonaire de ses douze gosses. Mais que faire lorsque les ordres de Zeus et de Poséidon devinrent contradictoires ? Quel vent laisser sortir, quel soupir exhaler ? puisque ce dieu secondaire n'était, après tout, que sous la dépendance étroite des Très-Hauts. Il fallut ruser, plaire aux uns et aux autres, faire de la diplomatie : c'est une triste période de désorga- nisation pour la Météorologie, qui perdit l'harmonie du plan originel. La vie devint difficile chez Eole : voyant leur père tergiverser, louvoyer par la flatterie, les zéphirs connurent de fort vilains exemples et leur morali- té générale s'en ressentit ; ils devinrent indépendants, capricieux, curieux, s'insinuant partout — souvent où ils n'avaient que faire. Cruels demi- dieux! Deux de ses fils furent ainsi particulièrement turbulents et redoutés. Les hommes honoraient surtout Borée, souffle impétueux du Nord, sensible aux louanges, mais l'honoraient par crainte, car il était coutumier d'enlève- ments regrettables; son frère Zéphuros n'amenait rien de bon de l'ouest et nous rougirions de rapporter ici ses aventures galantes '. Toutes ces intrigues, et la vie dissipée de tous ces fils de famille, furent néfastes pour l'établissement de règles précises et rationnelles dans les manifestations de l'atmosphère. La Météorologie. Jusqu'à présent, je n'ai pas cru devoir fournir de références bibliogra- phiques puisqu'il s'agit de connaissances courantes, présentant un tel caractère de certitude qu'elles ont été introduites dans l'enseignement élé- mentaire. Et les choses se seraient peut-être arrangées tout doucement si l'antiquité ne nous offrait que des auteurs aussi sages que Socrate, assez prudent pour ne vouloir point écrire. Malheureusement, deux de ses élèves s'empressèrent de développer ses doctrines, se disputant tels Zeus et Poséi- don et, comme ils se plaçaient sur deux terrains différents, ils n'étaient pas 1. On le mariait à Rome avec Flore, et les anecdotes couraient les ruelles : mais c'est une pure calomnie lancée par Ovide qui n'est qu'un polisson incroyable.