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— 214 — gement de ces dispositions si favorables au bien du service, changement dont Poivre lui avoua la cause et qui provenait des intrigues de certains personnages formant une « cabale partagée dans les bureaux et le Cabinet même du ministre »1. Le dissentiment ne tarda pas d'ailleurs à se mani- fester, à Lorient même, à la suite d'une dénonciation au ministre et qui visait Dumas. On l'accusa d'emporter, en fraude, dans ses bagages, de la pacotille destinée au commerce. La lettre qui contenait ces allégations parvint à Paris au moment où la flûte La Garonne, sur laquelle Dumas avait pris passage, mettait à la voile. Des vents contraires l'ayant ramenée au port après cinq jours, un cour- rier arriva portant l'ordre d'apposer les scellés sur les cales et de vérifier contradictoirement le chargement. L'expertise se fit par les soins des of- ficiers de l'administration de la Marine et démontra l'innocence du com- mandant qui ne possédait que des effets et denrées à son usage personnel2. « Le sieur Poivre avait évité d'assister au commencement de l'opération ; il évita d'assister à la clôture en demandant au ministre la permission de partir d'avance (lui qui était resté pour ne partir qu'après le S r Dumas), sous prétexte qu'il devait passer à Cadix et qu'il était important qu'il arrivât promptement à l'Isle de France »3. Cette conduite étonna Dumas qui s'en ouvrit en ces termes à un « homme en place », le I er mars 1767 : « Je vous dois toute vérité avec la même franchise que j'ai contredit les bruits qui s'étaient répandus sur la mésintelligence prétendue entre M. Poivre et moi ; je dois vous confier aujourd'hui que, depuis un certain temps, M. Poivre s'aliène de moi sen- 1. Copie de toutes les lettres écrites par M. Dumas, 25 septembre, 3 octobre 1767, à M. Poivre ; 13 jan- vier 1768, à M mc de Saint-Jean. 2. Voici, à titre de curiosité et pour donner un échantillon des objets nécessaires à un «commandant», l'état « des effets appartenant à M. Dumas, embarqués sur la flûte du Roi La Garonne » : « Une caisse contenant des cylindres d'ivoire avec des porte-bougies de fer blanc. Une caisse conte- nant des flambeaux et autres ustensiles d'argent haché. Une caisse de linge de table. Une caisse de liqueurs. Une petite caisse contenant douze bouteille de sirop de vinaigre. Une dite idem. Une caisse contenant selles et harnais complets et dix-huit paires de souliers. Une caisse de vin de liqueur. Une boîte contenant des livres. Une petite caisse vaisselle d'argent. Trois malles contenant habits et linge. Cinquante-deux caisses de vin. Une futaille de jambons. Dix barils de câpres. Dix barils d'olives. Une futaille de sucre Une malle au secrétaire. Une malle au maître d'hôtel. Une malle au cuisinier. Une malle au valet de cham- bre. Deux malles aux laquais. Le présent certifié véritable. Au Port-Louis, le premier mars 1767 » (Mémoire et Consultation pour le S! Dumas, 15, note). 3. Mémoire et Consultation pour le S' Dumas, 16.