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et des individus. Ceux-ci, en avançant en âge, mesurent l'Idéal, donc le
tuent. Ils le chassent du ciel, l'humanisent, le limitent, le réalisent dans
une forme. Il devient ainsi le réel.
     Plus il y a de réel, moins il y a d'idéal. Trop d'idéal, pas assez de réel.
Sous le nom d'idéal on se satisfait d'indéfini, on méprise le réel, on dédaigne
la forme considérée comme un obstacle à l'Idéal et on ne la tolère que
comme simple vêtement.
     Plus elle est consciente, pensée, plus on l'estime, en oubliant que
plus il y a de pensée dans la forme, moins il y a de poésie.
     « L'erreur, dit De Sanctis, réside dans cette dépréciation de la forme.
Car ce qui importe, c'est la forme. Il faut donc renverser les données du
problème, mettre le réel où il y a l'idée, l'Idéal n'étant, en fait, que le Réel
lui-même ».
      Mais alors, on doit prendre une précaution qui est de ne pas con-
fondre réalisme et matérialisme, et de substituer à un Idéal abstrait un
Réel également abstrait. Car le matérialisme, en art, c'est la réalité pure,
abstraite, morte. De la poésie il fait une copie. Idéal abstrait, Réel abstrait,
 deux théories qui aboutissent, l'une et l'autre, à l'anéantissement de l'art.
      Le réalisme de De Sanctis, au contraire, vise à un renouvellement
de l'art.
     De Sanctis pense que le progrès, pour l'humanité, consiste à réaliser
progresssivement ses propres idéalités. Par conséquent, être réaliste,
c'est avoir un art en progrès. Or si l'idéalisme est un état dépassé qui
aboutit, en art, à la destruction de la forme, le réalisme, qui s'y oppose,
doit aboutir à son triomphe.
      Qu'est-ce donc que la forme ?
     Pour De Sanctis, la forme n'est pas parole, période, vers, image
particulière, hypostase métaphysique. Elle est autre chose. Il écrit :
     « Chaque science a ses antécédents. Pour l'esthétique, c'est le contenu
abstrait. La science commence quand le contenu vit et se meut dans le
cerveau de l'artiste et devient forme. La forme est donc le contenu lui-
même, en tant qu'il est art. La forme n'est pas, a priori, quelque chose
qui se tienne tout seul, un ornement différent du contenu. Elle est, au
contraire, engendrée par le contenu, actif dans l'esprit de l'artiste. Tel