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Reine était joyeuse ». Le grand aumônier vit le marié au saut du lit :
« Comme il vint dans son cabinet pour s'habiller où je me treuvé comme
Je ne manquois guères, il en rapporta (de sa nuit de noces) tant de satis-
faction qu'il ne se peust tenir de publyer les beautés rares et excellentes
qu'il avoit treuvées en sa nouvelle espouse »... Agucchi rapporte si pré-
cisément ces indiscrétions qu'il faut, pour pouvoir le citer, en distraire
les vantardises de corps de garde. « Le Roi dit que sa femme et lui étaient
restés tous deux attrapés, lui de l'avoir trouvée plus belle et gracieuse
qu'il ne se l'était persuadé, et elle, lui semblait-il, de l'avoir trouvé plus
jeune qu'elle ne le pensait et qu'elle pouvait le croire d'après sa barbe
blanche ».
      Ce jour-là, tard dans l'après-midi, Marie de Médicis, de retour d'une
 promenade dans les jardins de l'abbaye d'Ainay, prit contact avec son
peuple. Le Roi fit ouvrir sa chambre à l'archevêché et y reçut tous ceux,
seigneurs ou gens du commun, qui étaient désireux de voir leur Reine.
La foule était si grande dans cet appartement, qui était petit, qu'on ne
pouvait ni se retourner ni s'entendre. Debout, le couple royal se prêtait
avec complaisance à cet hommage du respect et de la curiosité.
     Pendant cette lune de miel, qui fut courte, le Légat arriva, menant
avec lui les députés du duc de Savoie. Il fit son entrée solennelle le 16 dé-
cembre, monté sur une mule, sous un poêle doublé de damas que douze
pages portaient, assisté de deux chevaliers d'honneur, qui étaient des
princes de sang, et suivi de dix-sept évêques. Il fut harangué par les mêmes
orateurs que la Reine et repassa par les mêmes rues pavoisées, sous les
mêmes arcs de triomphe et le berceau de verdure du Pont de Saône où les
douze Médicis dans les niches humides se délavaient. Les guirlandes, de-
 puis le 3 décembre, étaient fanées, et les décorations en carton pâte ou en
 stuc défraîchies. Aussi s'explique-t-on qu'Agucchi déclare très grossiers
 (goffe) « les dessins, l'ordre et les peintures ».
      Mais le populaire n'avait pas souci de l'esthétique. La réception du
 Légat avait pour lui autant d'attrait que celle de la Reine. Point de défense
 comme au 3 décembre sous peine de la vie ; une tradition immémoriale
 abandonnait les poêles, au bout des deux processions à qui pourrait les
 prendre. Quand Aldobrandini, à l'entrée du cloître, laissa celui de la