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— 147 — La Reine, toujours en litière, avait passé sous le poêle que portaient les échevins. Derrière elle, venaient en carrosses les duchesses et les gran- des dames, en leurs plus superbes atours. Les serviteurs et les bagages fermaient la marche. On était à Lyon. Le cortège était maintenant au complet. Mais il n'était ni aussi bril- lant ni aussi grand que celui de 1595, lors de la première entrée d'Henri IV dans sa bonne ville de Lyon revenue des égarements de la Ligue. Il y manquait nombre de compagnies, entre autres les trésoriers et généraux des Finances. Les enfants de la ville, cet ornement des fêtes municipales en magnificence d'habits et beauté de corps, n'y figuraient pas. Leur capi- taine, qui servait dans les troupes royales, pressenti, avait répondu qu'il jugeait plus glorieux de guerroyer en Savoie que de parader panache en tête dans les rues de la ville. Peut-être craignait-il d'imposer une trop lourde dépense à l'aristocratie de la jeunesse. Immédiatement après sa soumission, la bourgeoisie repentante avait fait un étalage coûteux de son zèle monarchique; le rétablissement des affaires et du commerce la paierait de ses avances. Mais la prospérité qu'elle avait escomptée était lente à venir. La guerre de Savoie barrait une des routes des Alpes, celle de la soie. Sully équilibrait le budget à grand renfort d'impôts et de con- versions ; il payait irrégulièrement les arrérages des rentes, quand il les payait. Toujours en quête de nouvelles ressources, le gouvernement avait étendu à tout le royaume le système des maîtrises et des jurandes pour vendre aux marchands comme aux artisans le droit d'ouvrer et d'ouvrir boutique (avril 1597). Or, Lyon n'était pas une ville jurée et s'irritait de le devenir à prix d'or. Les habitants sollicitaient l'intervention de la Reine en faveur de leurs libertés ; il leur importait de ne pas paraître trop riches. Ce n'était pas seulement par manque de temps que la décoration de la ville était maigre. Quelques vers de mirliton — ils sont de Pierre Matthieu — sur l'une des deux portes du Pont du Rhône le laissaient entendre : Pour une princesse aussi belle Je dévots paroistre autrement Mais fay gardé mon ornement Pour le Dauphin qui naistra d'elle.