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quelquefois en français, les autres à élever les arcs de triomphe, piédes-
taux, pyramides et autres ouvrages d'art.
Pierre Matthieu, historiographe et poète, auteur de tragédies et de
quatrains moraux, l'émule de Pibrac et de Robert Garnier, serait célèbre
à Lyon où il vécut longtemps, s'il n'avait eu le malheur de naître en Fran-
che-Comté et de mourir en Languedoc. Mais personne ne s'était avisé jus-
qu'à Victor Hugo de le sacrer grand écrivain pour quelques descriptions
riches en images et en couleur, qu'il faut aller chercher dans l'amas ver-
beux, emphatique, déclamatoire et banal de sa prose poétique. Il fut l'es-
prit dirigeant de l'œuvre décorative, qu'il a expliquée en un commen-
taire touffu, et le grand fournisseur de devises, maximes et autres recettes
lapidaires.
Ses collaborateurs, Jean Maignan et Jean Perrissin, sont de bons
artisans à multiples aptitudes, comme il y en eut tant à l'époque de la
Renaissance, architectes, peintres et charpentiers. Perrissin est connu et
réputé comme graveur. Les quarante planches qu'il dessina, étant encore
huguenot, avec Tortorel, sont une illustration de dix ans de guerres reli-
gieuses en France sans travestissement à la romaine. Grâce à son goût
réaliste, il reste de l'Entrée de Marie de Médicis une image fidèle, sem-
blable à celle de l'Entrée d'Henri IV, où, dans le décor antique, imaginé
par Matthieu, circulent des soldats, des gentilshommes et des dames ha-
billés à la mode du xvie siècle.
Maignan et Perrissin mobilisèrent les ouvriers en bâtiment ; ils s'ad-
joignirent un portraitiste, Christophe de La Haye, le petit-fils du fameux
Corneille de La Haye ; mais malgré leur ardeur à pousser les travaux, et
l'addition des nuits aux jours pour doubler le temps dont ils disposaient,
ils ne parvinrent pas à remplir le programme qu'ils s'étaient tracé.
La veille du grand jour, le gouverneur arrêta les dernières mesures de
police (2 décembre). De par le Roi, il ordonnait à tous les propriétaires et
locataires « des maisons estans sur les rues où sa Majesté passera de tapis-
ser duement dès le matin dudit jour et puis de respandre le sable par
lesdites rues ». Comme les jours sont courts en décembre, ils « tiendront
flambeaux prests es bas (rez-de-chaussée) et boutiques des dites maisons
qui seront ouvertes pour y retirer le peuple et aussi de la lumière aux