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— 139 — verdoyants où Céphale se repose ; au troisième, la Nuit « sortant d'en bas » pour blâmer le retardement de l'Aurore ; au quatrième, le plein Ciel; au cinquième, apparition, disparition et réapparition d'une montagne qui s'abaisse jusqu'à trois pieds de la Reine et lui remet un « lys qui ne faisoit que de naistre et estoit tout grand ayant au-dessus une couronne d'or ». Pégase voltige « à passades », les dieux vont et viennent sur les nues, Jupiter chevauche son aigle. On voit le dauphin < se couler sous r l'eau avec l'Océan, le soleil se coucher et Cupido aller au Ciel ». C'est déjà l'opéra, un opéra sans ballet, mais avec une profusion d'ac- teurs, de chanteurs et de musiciens, la féerie des changements de scène et tous les « trucs » du machinisme. Ah ! les fêtes de Lyon risquaient de paraître ternes aux spectateurs de tant d'originale magnificence. Aussitôt le mariage conclu, le Légat, toujours suivi de ses bagages, ses meubles et sa literie, partit avec une autre mission de Clément VIII pour réconcilier la France et la Savoie et sauvegarder la paix de l'Italie. Il vit Charles-Emmanuel, qu'il persuada de lui confier le règlement de la question de Saluées, et, muni de pleins pouvoirs, il se dirigea vers Cham- béry, où le Roi de France venait d'entrer. La Reine, pour d'autres raisons, était impatiente de joindre son mari_ Accompagnée de la Grande-Duchesse, sa tante, de D. Antonio, son frère bâtard, de la duchesse de Mantoue et du duc de Bracciano, elle s'embar- qua le 17 octobre à Livourne, à destination de Marseille. Six galères de Toscane, six de Malte et cinq du pape lui faisaient escorte. La marine royale n'en ayant plus une, après les guerres civiles, en état de la trans- porter, le contrat de mariage stipulait que le Grand Duc la ferait conduire à ses frais jusqu'à Marseille. Il n'avait pas épargné la dépense. La capitane où monta sa nièce était aussi « splendide et magnifique qu'il s'en soit jamais veuë; tout n'estoit que or et argent jusques au bout mesme qui estoit dans la mer », dit le reporter officiel en son gauche style. La traversée fut dure, et la flottille forcée par « la tourmente et le mauvais temps » de relâcher neuf jours à Portofino, tout proche de Gênes. La République envoya des ambassadeurs prier la Reine de faire retraite en leur ville « pour assurer sa personne contre l'incertain de la tempeste qui faisoit branler le courage aux plus vieux mariniers », mais