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verdoyants où Céphale se repose ; au troisième, la Nuit « sortant d'en
bas » pour blâmer le retardement de l'Aurore ; au quatrième, le plein Ciel;
au cinquième, apparition, disparition et réapparition d'une montagne
qui s'abaisse jusqu'à trois pieds de la Reine et lui remet un « lys qui ne
faisoit que de naistre et estoit tout grand ayant au-dessus une couronne
d'or ». Pégase voltige « à passades », les dieux vont et viennent sur les
nues, Jupiter chevauche son aigle. On voit le dauphin < se couler sous
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l'eau avec l'Océan, le soleil se coucher et Cupido aller au Ciel ».
      C'est déjà l'opéra, un opéra sans ballet, mais avec une profusion d'ac-
teurs, de chanteurs et de musiciens, la féerie des changements de scène
et tous les « trucs » du machinisme. Ah ! les fêtes de Lyon risquaient de
paraître ternes aux spectateurs de tant d'originale magnificence.
      Aussitôt le mariage conclu, le Légat, toujours suivi de ses bagages,
ses meubles et sa literie, partit avec une autre mission de Clément VIII
pour réconcilier la France et la Savoie et sauvegarder la paix de l'Italie.
Il vit Charles-Emmanuel, qu'il persuada de lui confier le règlement de la
question de Saluées, et, muni de pleins pouvoirs, il se dirigea vers Cham-
béry, où le Roi de France venait d'entrer.
      La Reine, pour d'autres raisons, était impatiente de joindre son mari_
Accompagnée de la Grande-Duchesse, sa tante, de D. Antonio, son frère
bâtard, de la duchesse de Mantoue et du duc de Bracciano, elle s'embar-
qua le 17 octobre à Livourne, à destination de Marseille. Six galères de
 Toscane, six de Malte et cinq du pape lui faisaient escorte. La marine
royale n'en ayant plus une, après les guerres civiles, en état de la trans-
porter, le contrat de mariage stipulait que le Grand Duc la ferait conduire
à ses frais jusqu'à Marseille. Il n'avait pas épargné la dépense. La capitane
où monta sa nièce était aussi « splendide et magnifique qu'il s'en soit
jamais veuë; tout n'estoit que or et argent jusques au bout mesme qui
 estoit dans la mer », dit le reporter officiel en son gauche style.
      La traversée fut dure, et la flottille forcée par « la tourmente et le
 mauvais temps » de relâcher neuf jours à Portofino, tout proche de
 Gênes. La République envoya des ambassadeurs prier la Reine de faire
retraite en leur ville « pour assurer sa personne contre l'incertain de la
tempeste qui faisoit branler le courage aux plus vieux mariniers », mais