page suivante »
— 15 — Ce fut par une suite de ces dispositions que dans l'âge de choisir un état il embrassa de préférence celui de l'imprimerie qui, dans ces temps voisins encore de celui où elle avait été inventée, était regardée comme un état honorable et qui exigeait de grandes connaissances pour l'exercer ; on était loin alors de le regarder comme un art purement mécanique, comme cela est arrivé depuis ; le titre d'imprimeur se liait avec celui de savant et les noms des Aide, des Etienne, des Wechel et des Froben sont encore aujour- d'hui aussi célèbres que ceux des auteurs dont ils ont mis au jour les ouvrages. Il commença à travailler dans l'imprimerie de Melchior et de Gaspard Trechsel1 fils de Jean Trechsel, qui était venu d'Allemagne s'établir à Lyon à la fin du siècle précédent ; puis il entra dans celle de Sébastien Gryphe, célèbre et savant imprimeur de Lyon qui, suivant ce que dit Maittaire dans la seconde partie du second tome de ses annales typographiques, page 566, mit sous presse depuis l'an 1528 jusqu'à l'année 1547 plus de 300 livres différents parmi lesquels il y en avait un grand nombre en plusieurs volu- mes in-folio, et quelques-uns de remarquables par la beauté de leur exécu- tion, tels que le Thésaurus linguce latince, de Dolet, le Thésaurus linguce sanctce de sanctis Pagninus et la Biblia latina, en deux volumes, tous lesquels sont rares et recherchés aujourd'hui. De Tournes nous apprend lui-même dans sa lettre italienne adressée à Maurice Scève, qui est à la tête de l'édition de Pétrarque qu'il donna en 1545, qu'il travaillait plus de douze ans auparavant dans l'imprimerie de Gryphe sur les ouvrages du poète Luigi Alamanni, qui furent imprimés en 1532, et que ce fut ce qui lui donna du goût pour la langue italienne et l'envie de l'apprendre. C'est aussi dans cette lettre qu'il nous instruit de la manière dont ce même Maurice Scève avait découvert à Avignon le tom- beau de la belle Laure, l'objet des poésies de Pétrarque, dont le lieu était ignoré depuis plus de deux siècles, et qu'il rapporte l'épitaphe italienne que le Roi de France François I. composa pour cette dame lorsqu'il alla visiter son tombeau à son passage par Avignon. 1. Il n'est pas certain, ainsi que le démontrera plus tard notre bon ami E. Vial, que Jean de Tournes ait travaillé chez les Trechsel.