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310 PROMENADES HISTORIQUES tiennent au luminier; il s'est trompé et il s'est corrigé ; il a barré telle syllabe, substitué tel chiffre exact à tel autre formé mal à propos : un paysan est irresponsable de son igno- rance ; l'honnête homme, chez lui, cautionne l'illettré ; une maladresse calligraphique n'est pas un crime et on comprend qu'un porte-plume soit quelquefois plus malaisé à manier que le manche d'une charrue. Maligeay, en plus, n'a même pas à décliner une responsabilité quelconque; aucune ne l'atteint; il succède simplement ici au fait d'autrui et, pour mieux écarter une polémique irritante, il substitue à l'acte incriminé un titre de libération définitive. L'aveu, quoi qu'il en semble, n'était pas entièrement dépouillé d'artifice ; mais il est permis à la barre, en se frappant la poitrine, d'étendre un peu le bras et de toucher également le voisin ; on s'accuse sur un point, c'est pour se blanchir sur dix autres. Pourtant, dans la circonstance, la ruse fut éventée et, quoique invités à passer outre, les demandeurs et leur avocat s'y refusèrent; ils estimèrent nécessaire de maintenir leur accusation, de la débattre à fond et de faire éclater, en pleine audience, le peu de cons- cience d'un débiteur, qui se dérobait sans cesse et n'avait jamais à leur opposer que les produits successifs d'une fabrication suspecte et anonyme. Un arrêt formel contre le plus vanté de ses moyens, même quand il l'avait sacrifié pour un autre, deviendrait de suite une présomption très défavorable contre lui et ne pèserait pas d'un mince poids dans l'examen du document nouveau qu'il proposait. Ils s'arrangèrent à laisser dormir, jusqu'à l'occasion prochaine, la déclaration Simon Parisis, et bon gré mal gré, ils atti- rèrent toute l'attention sur la quittance Denis qu'on pro- clamait un peu lestement digne tout au plus d'être mise au cabinet.