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2o8 L'AMÈÙLANCIÈRE ALSACIENNE ' Le feu avait cessé de part et d'autre. Après le perpétuel sifflement des obus dans le ciel, la chute des bombes crevant les toitures et les blindages les plus épais, leurs explo- sions incendiant les maisons et ébranlant les casernes, leurs éclats tuant soldats, femmes et enfants, le calme morne, triste, froid était venu. Le silence à la suite du grandiose fracas de soixante-treize jours de bombardement, paraissait étrange; on semblait renaître à une existence nouvelle. Belfort ne capitulait pas ; mais, ensuite de circonstances motivées par de hautes considérations politiques, la place, restée invaincue après cent trois jours de siège, allait être remise entre les mains de l'ennemi qui n'avait pas pu la prendre. Les vainqueurs devaient, par ordre de la France, abandonner le champ de bataille aux vaincus ! Le 17 février, les premières colonnes, de ce qui restait des troupes de l'héroïque garnison se mirent en marche.; l'une d'elle formée de deux bataillons des Mobiles du Rhône. La veille, un grand débat avait eu lieu entre les soldats d'une compagnie de ces Mobiles. Campée en dehors des murs de la ville, cette compagnie avait gardé ses blessés et ses malades dans son campement. Les soldats valides, quoique harassés de fatigue à la suite des nombreuses gardes qu'ils étaient obligés de monter, se relayaient pour soigner eux-mêmes leurs camarades étendus sur leur couche de souffrance, préférant les garder au milieu d'eux que de les laisser transporter dans les hôpitaux ou les ambulances de la ville, d'où, disait-on, l'on ne revenait plus, la fièvre typhoïde ou la petite vérole se chargeant d'emporter ceux qui parvenaient à être guéris de leurs blessures. Mais ce débat, dont l'objet consistait à décider si l'on ne devait pas emporter au milieu des rangs, sur des voitures