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DANS L'ANCIEN FOREZ 303 la plupart des habitants du village, attirés par le bruit et scandalisés de cette scène, en auraient attesté l'exactitude. De son côté, l'officier ministériel, qui avait touché douze francs pour ses vacations, soutenait avoir rempli conscien- cieusement sa mission et avoir remis entre les mains du principal intéressé, « parlant à sa personne », le papier timbré qu'il apportait. La Cour décida néanmoins d'accorder le sursis et d'en- tendre la défense annoncée. Portier le jeune, dont l'esprit mordant était redouté au palais, accepta de s'en charger; en homme rompu au métier, persuadé que l'offensive est, sur tous les champs de bataille, le gage le plus sûr du triomphe, non seulement il excusera et innocentera son client, mais il s'efforcera d'éta- blir qu'au lieu d'être redevable de quelque chose, il est l'unique et véritable créancier; on lui réclame de l'argent ; quelle outrecuidance ! qu'on ait plutôt l'honnêteté de lui restituer ce qu'il a déboursé en trop; sûrement s'il n'eût pas été doué de l'âme la plus douce du monde, c'est lui qui aurait traduit devant Monsieur le lieutenant du bailliage les imprudents qui l'y amènent aujourd'hui. L'argumentation, on le voit, n'est pas très compliquée : elle est bien posée et de poids. Mais pour la rendre victorieuse, il convient toute- fois de l'appuyer de quelques preuves et même, avant de faire la lumière, d'expliquer d'où est sortie la confusion. Pour les avocats et les procureurs, tout est simple, tout est naturel, tout est évident ; voici comment manœuvre celui-ci : « La dette, dit-il, est éteinte ; telle est la conviction de ma partie; cent et cent fois il l'a entendu répéter dans sa famille : son beau-père, avant de mourir, a pris le soin de l'en assurer formellement; depuis plus de seize ans, du reste, per- sonne ne l'a inquiété; ce silence a achevé d'endormir sa