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76 HENRI HIGNARD beaucoup trop à mon gré. Le reste s'est passé en dévelop- pements déclamatoires sur Napoléon, son cheval de bataille depuis qu'il fait des vers ; sur la Convention/sur la mission du poète, nouveau cheval de bataille; surMalesherbes, qui est arrivé comme ma grippe de l'autre jour, très mal à propos. Surtout cela, frénétiques applaudissements, après lesquels il repartait d'un ton de voix à faire peur aux petits enfants, tant il était grave et austère, ce sont des mots qu'il a répétés plus de vingt fois. M. de Salvandy a répondu par de nouvelles déclamations sur Napoléon, sur la Convention, sur la mission du poète, sur Malesherbes ; tout cela avec plus de justesse d'esprit, mais d'un ton si criard que nos oreilles pâtissaient à leur tour. Aussi n'a-t-on guère fait attention à sa réfutation de quelques idées singulières de Hugo. Notre poète paraît peu philosophe dans l'étude de l'histoire. De tous ceux qui se sont succédé au pouvoir, à la terrible époque dont il parlait, tout le monde a eu raison selon lui; tout le monde a bien fait. Louis XVI était un prince charmant ; la Convention a été très'aimable; le Direc- toire fort gentil, Napoléon très raisonnable, et la Restau- ration enfin, ce qu'il y avait de mieux, ce qui équivaut à dire que les fraises sont très bonnes, et que les coups de bâton ne sont pas à dédaigner. Malheureusement, au beau milieu de la discussion, un incident plaisant a suffi pour tout faire oublier, on a pu juger,en ce jour mémorable, quels progrès l'esprit de calembourg a fait en France. M. Salvandy parlait des drames de Hugo, et des progrès qu'il avait fait faire à l'Art scénique. Tout le monde s'est levé à la fois (il y avait plus de trois mille personnes), un murmure entre- coupé d'éclats de rire à faire trembler les vitres s'est élevé de toutes les parties de la salle ; pendant dix minutes, il a été impossible de continuer la séance. C'était cependant