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130                     HENRI HIGNARD

Après demain, pendant toute la journée, je penserai bien à
toi, à ton bonheur, à ton avenir, je demanderai ce dont
tu as besoin, et ainsi je redoublerai en moi cette vive
amitié fraternelle qui unit nos âmes comme la naissance
unit notre chair, et qui nous unira ainsi non seulement
pendant cette vie, mais pendant l'éternité. Que ce jour de
fête soit pour nous un jour de joie, mais aussi un jour de
réflexions sérieuses; les années s'écoulent et ne reviennent
pas ; tâchons-donc de les employer de telle sorte que nous
n'ayions pas à en déplorer la perte.
   Je te prie, mon ami, de bien embrasser pour moi mon
père et ma mère ; tâche de leur faire oublier mon absence.
Je voudrais bien être auprès de vous pour vous embrasser
et rire un peu. Cette petite fête me ferait du bien, non que
je sois malade ni triste, mais parce que je ne suis jamais si
heureux que dans ces petites réjouissances de famille.
Jouissez de votre bonheur, Monsieur le prédestiné, et aimez
un peu un frère qui est réduit à vous embrasser par lettre,
du fond de l'exil où il est confiné.
   Dis à mon père, mon cher enfant, que j'ai écrit à
M. Raison pour sa fête. Depuis sept mois qu'il est parti, nous
 ne lui avions pas encore écrit, et en effet, nous ne devions
pas nécessairement le faire, mais nous avons voulu, Bonncl
et moi, faire acte de reconnaissance à cette époque un peu
plus solennelle. Bonnel me charge de te faire ses amitiés;
c'est un bien aimable garçon, mais je tremble pour sa licence
dans un mois, et s'il ne réussit pas, il faudra quitter l'école ;
ce qui serait bien fâcheux ; Songeon n'a plus envie de con-
 courir et il ne peut passer ses examens de droit. Vois mon
 ami ce que c'est que d'être inconstant. Il a beaucoup de
moyens, d'esprit, de facilité à parler.
   Mon cher ami, on sonne uneconférence, force est d'y aller.
   Adieu et mille baisers.