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LETTRES DE L ' É C O L E NORMALE JJ dans cette Académie que siégeaient il y a cent cinquante ans le grand Corneille, le grand Bossuet, Fénélon, Racine et ce brave Boileau qui aurait si beau jeu s'il revenait au monde. J'ai été plus content l'autre jour en lisant le Ser- mon sur l'unité de l'Eglise, et la question de la décadence m'a paru singulièrement claire. Espérons au moins que ce n'est qu'une décadence passagère. Hélas ! ce sont nos fautes qui abrutissent notre esprit, et si notre littérature est si vile, ce sont les mœurs publiques qui en sont la cause ; Bossuet était un apôtre et Racine le plus pur, le plus recueilli de tous les hommes'; après avoir écrit Phèdre, il s'est enfermé 12 ans dans la solitude de Port Royal pourdemanderpardon à Dieu d'avoir travaillé pour le théâtre, et ces douze années ont produit Esther, Athalie et les traductions des hymnes du bréviaire romain, ce que je connais de plus doux, de plus lyrique, de plus charmant dans toutes les littératures du monde. Veuillot, qui est encore en Afrique, vient de me faire remettre deux nouveaux volumes qu' a imprimés Olivier. C'est l'histoire de son voyage en Italie, et par conséquent de sa conversion, sous le titre Rome et Lorelte. Si j'étais riche, je te l'enverrais; mais je suis contraint de t'avouer que ma misère est à son comble. Cependant je tâcherai, ou du moins je te le porterai aux vacances. Car j'espère bien, cher frère, que nous nous verrons alors. Dieu veuille que ce soit pour toujours. Cette réunion est le plus vif de mes désirs. Mettons tout entre les mains de Celui qui peut tout. Je t'embrasse tendrement. Ecris-moi et parle-moi longue- ment de ce que tu fais. Ton ami, ton frère.