page suivante »
74 HENRI HIGNARD je me console alors des longs intervalles de la correspon- dance matérielle. Voici quelques jours que je travaille plus qu'à l'ordinaire, et j'en ai bon besoin, car au commencement de la semaine dernière j'ai passé cinq jours à l'infirmerie, pour payer à mon tour la'dette générale à la grippe ; et quand je regarde l'almanach, j'ai des frissons dans tout le corps, j'ai tant à faire encore, mon cher ami ! Il me faut toute la grâce du bon Dieu pour n'en pas être accablé. Je vais mon train le plus régulièrement que je peux, et j'espère que la persévé- rance me mènera à la fin. Aujourd'hui que j'ai la tête cassée d'Euripide, j'ai voulu donnera mon frère bien-aimé la der- nière heure du jour, pour causer avec lui bien simplement et comme après dîner, car en effet, je suis dans un véri- table état de digestion difficile, après tout ce que j'ai avalé de grec aujourd'hui. Il faut que je te raconte ce que j'ai vu hier. Par faveur toute spéciale, car les billets étaient très courus, j'ai eu une place à l'Institut, pour la réception de Victor Hugo à l'Académie française. Depuis très longtemps on en parlait beaucoup, quoique notre Société soit bien peu littéraire. Ce long retard et les difficultés qu'avait rencontrées son admission avaient fort excité la curiosité pourson discours, dont on ne savait guère comment il allait se tirer. L'as- semblée était vraiment très curieuse; j'y ai vu pour la pre- mière fois une foule de nos célébrités de la presse contem- poraine, qui pour le dire en passant, m'ont plu assez peu. Hommes et femmes, poètes et poétesses, tout cela a un air affecté, vaniteux, maniéré, indécent, qui convient très bien du reste à cette littérature, qui semble n'admettre que tous les vices et tous les travers de l'esprit, sans rien pouvoir produire de beau et de simple. Gn ne s'étonne pas que ces