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UNE NOCE. 413 frappe chaque fois que je le vois, car il me semble renfermer une belle leçon morale. —. Le passage de ces bœufs? — Justement. La Fontaine n'a pas prétendu n'avoir ja- mais d'imitateurs, et si nous n'étions pas aveugles et sourds, nous profilerions mieux des sages instructions que nous donne la nature. — Ceci m'annonce un apologue, dit Frédéric eu prenant la main de Louise. Gonlez-le moi,de grâce, vous qui contez si bien. — Voyez comme je suis capricieuse, je veux que vous fassiez cette fable vous-même. Répondez-moi: Que font ces bœufs? — C'est fort simple; ils traversent la rivière pour retourner dans leurs ètables. — Mais avez-vous remarqué de quelle manière ils sont entrés dans l'eau? — Sur l'injonction du berger, — En voyez-vous un seul reslé sur l'autre rive? — Pas un seul, ils ont obéi avec autant de docilité que de stupidité. — Pourquoi delà stupidité? conduits par un maître inlel-. ligent, guidés par le souvenir, ils ont suivi paisiblement la ligne que leur a tracé le plus fort d'entre eux; et ce qui aurait pu vous frapper, mon cousin, c'est qu'aucun d'eux n'a cherché à dépasser les autres pour toucher au bord le premier. A quoi bon une lutte pour un si court passage? L'eau était-elle moins limpide et moins hospitalière pour le dernier que pour celui qui le précédait? Et une fois de ce côlé, de quelle importance eût été la place occupée pendant les quelques minutes de la traversée? Ces animaux, que vous trouvez stupides, me paraissent fort sages, et j'admire la grave simpli- cité qui les a empêchés de se heurter, de se pousser, de se