page suivante »
- 408 UNE NOCE.
comment j'ai taquiné hier Frédéric au sujet de ce prétendu
sonnet. Piquée de la façon maussade dont il entendait mes
plaisanteries et croyant réellement à ce que je disais, j'ai
voulu lui faire pièce et j'ai ramassé les trois ou quatre mor-
ceaux de papier qu'il jetait dans la prairie lorsque nous nous
sommes approchées de lui. Je me proposais d'apprendre ses
vers et de les lui réciter, car je le le répète, j'avaîs la solte
idée qu'ils t'étaient adressés. Quelles ont été, mon enfant, ma
surprise et mon indignation, lorsqu'au lieu de rimes, j'ai trouvé
des chiffres, au lieu d'une pièce de poésie, des calculs 1 et
comme j'ai souffert, ayant cru faire une malice d'avoir com-
mis une indiscrétion. Mais ton bonheur m'est plus cher que
ce secret surpris malgré moi, et j'ai cru devoir passer sur la
petite honte que j'éprouve d'avoir agi un peu légèrement;
je viens donc te mettre en garde contre un complot qui m'a
indignée. Je le fais de la peine sans doute, continua Olympe
en regardant sa belle-sœur pâlie par une émotion douloureuse,
pardonne-moi donc. Réponds, Louise, m'en veux-tu?
— Non, dit la jeune fille d'une voix altérée, mais j'étouffe.
Et elle se sentit suffoquée par la surprise, le cœur serré, la
vue troublée, les lèvres tremblantes.
— Eh bien! ma fille, lui dit M. Girard qui la rencontra
sous le vestibule et qui l'emmena au jardin, tu as élé, comme
moi, enchantée de Frédéric. J'attendais le momenl où tu quit-
terais Olympe pour te demander si tu me juges digne de les
confidences. Es-tu décidée, cette fois, car lu as élé bien rigou-
reuse de te donner quatre mois de réflexions et d'éprouver
ton cœur par l'absence.
— Cher père, dit Louise encore toute émue, il parait que
ce temps-là ne suffisait pas, car je ne vois pas encore très-
clair, ni dans mon âme, ni dans mon avenir.
— Alors j'ai eu tort d'engager Frédéric à revenir si toi.
— Non, au contraire, j'ai besoin de le voir.