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224                        UNE NOCE.

minutes sans pouvoir prendre une résolution ; de plus en plus
étonné du caractère tranché de Louise, et par une singulière-
contradiction, de plus en plus amoureux d'elle tant elle dé-
ployait de grâces involontaires dans ce qu'il appelait son bizarre
caprice, il ne pouvait se résoudre à céder, et craignait cepen-
dant de blesser de nouveau cette fière jeune fille. Son agita-
tion intérieure, qui se trahissait par des gestes répétés, n'eut
pas le pouvoir d'arracher M. Girard à sa lecture; mais au
bout de dix minutes, au grand soulagement du jeune homme,
son oncle laissa tomber son journal et dit :
   — Encore un suicide causé par la hausse et la baisse! La
guerre des écus tue vraiment autant d'hommes que les canons
rayés, et sans même compter les morts, que de blessés! c'est
décidément une fièvre de gain qui affole toute la France. En-
tends-tu, Frédéric, ton père est malade aussi de celte ma-
ladie-là.
   — Mon père! dit Frédéric préoccupé, mon père! oui, il
m'a écrit avant hier et vous fait ses compliments.
   — Ce garçon là ne m'entend pas! dit M. Girard gaiement.
Où es-tu donc, Frédéric.3 El ces secrets, sont-ils dits?
   — Oui, ils sont dits, répondit le jeune homme avec un
soupir.
   — Me tromperais-je, mon neveu, (u ne parais pas satis-
fait: Eh! dis-moi, qu'est-ce donc?
   — Louise, mon cher oncle, me met dans la position la
plus délicate qui soit au monde. Elle veut que je me pare de
ses générosités ; en un mot, elle veut que je donne cette mon-
tre, achetée par elle, à la fiancée de Claude, et refuse de me
laisser faire réellement ce cadeau.
   — Excellente fille, qui a même la pudeur de ses bienfaits,
s'écria M. Girard attendri. Ne sois donc pas au-dessous d'elle,
et n'afflige pas son cœur en le privant du bonheur de faire des
heureux.