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                            CHRONIQUE LOCALE.                             167
 construction ; on demande à ccr et à cri un chemin de fer direct sur Bor-
 deaux, et le 30 juillet on vient enfin de livrer au public le chemin de fer de
 Sathonay.
   Autrefois quand un enfant naissait, on avait le soin d'inviter toutes les
fées qui dotaient plus ou moins généreusement le nonveau-né et se décla-
raient ses protectrices, mais malheur à lui si on oubliait quelque fée Ter-
rible ou quelque fée Grognon , tous les malheurs ne tardaient pas à fon-
dre sur l'infortuné berceau. Quand le chemin de fer de Sathonay a été
inauguré, en a prodigué les invitations au Courrier de Lyon, au Salut Pu-
blic, au Progrès; le Moniteur judiciaire a eu sa carte, YEnlr'aclc a eu la
sienne, le Moniteur des Annonces en a eu deux, l'Argus en a eu trois; vaines
précautions! soins inutiles ! La Pi évite du lyonnais, la vieille arriérée, a
été oubliée, et depuis quinze jours les guignons se sont accumulés sur le
pauvre Chemin ; des afl'aisscinents so sont produits d'un côté, des dérail-
lements ont eu lieu de l'autre ; la voie menaçait de ne jamais s'ouvrir ;
mais enfin la Revue du Lyonnais a levé le sort, et depuis le 30 du mois der-
nier les wagons roulent sans trop d'encombrés ; sa vengeance s'est arrêtée
là, et désormais elle promet aux actionnaires de ne nuire en rien à l'exploi-
tation.
    L'accès le plus violent de couratomanie que noire ville ait ressenti de-
puis bien des aimées, a eu lieu dimanche dernier. Le 2 août, de 5 à G heu-
 res du matin , trois convois emportaient plusieurs milliers de voyageurs
 qui, les uns sous prétexte de Polonais, les autres sous prétexte de prix ré-
 duit, se rendaient sur les bords du Léman, à la suite et sous les auspices
 de notre illustre Fanfare lyonnaise. Depuis quatre jours que de têtes à
l'envers, que de courses au billet, que d'échanges , de négociations ! Là
Compagnie ne savait plus quel wagon ajouter , les petits cartons faisaient
prime, et l'on a vu des gens sérieux (aire des folies pour en obtenir. Ce
fut un spectacle unique de contempler ces immenses convois, charriant non
quelques voyageurs spléeniques , rhumatisant ou goutteux, mais une colo-
nie joyeuse, une émigration jeune et bruyante ; c'était un coup d'oeil fée-
rique de voir ces trains glisser à travers ce lac desséché qui est aujourd'hui
la plaine de Montlucl et d'Ambéricux , s'enfoncer dans ces gigantesques
coupures des montagnes jurassiques , ces gorges tourmentées, ces rochers
que les soulèvements antédiluviens ont cassés et séparés avec une incon-
cevable violence, ces vallées tordues et craquelées, où le soleil vous appa-
raît devant, derrière , à droite , à gauche , suivant que le chemin de fer
tourne les rochers, puis tout à coup s'élancer à travers ces collines ver-
doyantes , à l'extrémité desquelles apparaissait la savante cl poétique
Genève ; chacun comprenait que cette idée de porter une population en-
tière à 150 kilomètres pour cinq francs , aller et retour , serait une idée
féconde j et les couratomancs la saluaient avec frénésie. L'enthousiasme
redoubla quand on vil l'élégante capitale parée pour recevoir les voyageurs,
six mille personnes bravant une pluie torrentielle pour accueillir les Lyon-
nais, les fenêtres garnies de spectateurs , et des milliers de mouchoirs et
de chapeaux s'agilant pour souhaiter la bien-venue aux arrivants, qui
n'espéraient pas, qui n'osaient attendre un aussi sympathique accueil.
   L'espace nous manque pour décrire comme il conviendrait celte journée,
si pleine de gracieux souvenirs. Le soleil s'étant mis de la partie, chacun a
couru où sa pente l'entraînait : musées et cafés, monuments, collections,
bibliothèques et restaurants, promenades sous les beaux arbres de Plain-
Palais, excursions sur les eaux bleues du plus beau des lacs, flâneries au