page suivante »
UNE NOCE. 143 III. Le lendemain, Frédéric se réveilla de bonne heure, grâce à ses inquiétudes; il n'avait vu Louise la veille qu'à l'heure du dîner et n'avait pu lui parler, car elle avait disparu au dessert pour aller assister à la cérémonie des livrées que M.Girard avait expliquée à son neveu,lorsque celui-ci s'était in- formé de la cause qui retenait loin d'eux sa cousine. Olympe était survenue et avait haussé les épaules au récit fait par son beau-père de cette vieille coutume. — Vous paraissez étonné, avait-elle dit à Frédéric. Ne connaissiez-vous pas ces antiques sottises? — Non, avait-il répondu, et cet usage me semble aussi naïf que curieux. — Bon! vous ne lisez donc rien! Cela est décrit tout au long dans la Mare au diable de Mme Sand ; elle a mis les pay- sans à la mode. Louise, malgré tout son esprit, prend un plai- sir, que je ne m'explique pas, à honorer de sa présence ces vieilles et rustiques niaiseries ; il est vrai que c'était presque un devoir pour elle d'y assister cette fois, puisque c'est elle qui a fait ce mariage. Une noce de cultivateurs au temps des ven- danges, cela ne s'était jamais vu ; mais Louise avait ses inten- tions que je n'avais pas devinées, moi à qui. vous accordez, cher père, quelque perspicacité. — Et encore plus de curiosité, ma bonne Olympe, avait dit M. Girard en souriant. Celte conversation qui avait occupé Frédéric lui revint à l'esprit à son réveil. Depuis son arrivée aux Grandières, obligé de modifier à chaque instant l'opinion qu'il s'était faite du caractère de Louise, il se trouvait, à son grand étonnement, auprès d'elle comme auprès d'une personne inconnue, lant elle se présentait à lui sous un point de vue nouveau. La jeune