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UNE NOCE. 13b de naïveté, réservée sans pruderie, spirituelle sans désir de briller, aimante sans ces exagérations de caresses qui dénotent peu de naturel. Que savait-elle ? Que ne savait-elle pas ? Voilà ce qu'il eût été difficile de décider. Ayant vécu dans.l'intimité la plus grande avec un père instruit et d'un caractère ferme- ment trempé, il était possible que Louise se fût livrée à de très-sérieuses études, mais elle ne parlait jamais d'elle-même et la seule trace de son éducation mâle et vigoureuse se trouvait dans son caractère. Louise ne connaissait pas cette timidité hésitante, dont quel- ques hommes font, avec un grand tort, un mérite aux femmes, car ces fluctuations de volonté témoignent de la mollesse dans laquelle on a laissé s'énerver leur âme. Sachant toujours ce qu'elle voulait, elle l'accomplissait nettement; résolue et non hardie, elle tenait avec ordre la maison de son père, gou- vernait ses domestiques, recevait en son absence ses hommes d'affaires et donnait ainsi à ses occupations un but essen- tiellement utile, et à ses idées un tour sérieux et réfléchi. Louise avait revu, au commencement de l'hiver précédent, Frédéric Husson, le fils d'une cousine de sa mère, dont l'in- timité avec Mme Husson avait fait autrefois le compagnon de ses jeux d'enfance. Le jeune homme avait quille la province depuis longtemps et n'y était venu que fort rarement et pour peu de jours. Se destinant à la carrière du barreau, après avoir pris son diplôme de docteur en droit, il avait passé cinq ans à Paris, deux ans seulement dans une excellente étude d'avoué où il remplit les fonctions de second clerc, et trois autres années chez une des notabilités du barreau parisien donl il obtint d'être le secrétaire. Par cette habile ligne de conduite, il avait évité les ennuis de ce stage involontaire que subissent tous les jeunes avocats. Puis enfin il avait pris, de la société parisiennne, tout ce qu'elle peut donner de bon à un jeune homme : d'excellentes manières, une conversation aisée,