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PASSAGE DE S. PAUL. 85 compte de trouver que son maître s'est trompé sur ce délai, bien que, comme lui, il veuille que saint Paul n'ait pas eu le temps de fournir cette longue carrière. Mais ce raisonnement est encore faux, puisque nul ne peut rigoureusement fixer le moment où l'Apôtre fut mis en liberté, ni celui où il retourna à Rome, ni le temps précis qu'il y demeura, ni même en quelle année il fut martyrisé, car plusieurs critiques placent ce martyre en 66, alors que le contradicteur ne parli que de l'an 65. Citons plutôt la con- clusion du savant aperçu de dom Liron sur ce sujet. « En un mot, dit-il, nous connaissons si peu ce qu'a fait l'Apôtre de- puis sa délivrance, l'an 63, qu'il y a de la témérité (que l'on me permette ce mot), d'assurer que le temps lui a manqué pour prêcher en Espagne (1 ).» ,11 n'y a donc pas lieu de douter que dans l'espace de trois ou quatre ans, terme que l'on doit donner au grand voyage de saint Paul, -il n'ait pu accomplir ce voyage. On sait qu'il n'avait plus rien à faire en Orient dès l'an 58, lorsqu'il écrivait aux Romains qu'il n'y avait plus de lieux dans ces vastes provinces, où l'Evangile n'eût été annoncé. Que le paléographe nie encore le voyage de saint Paul en Espagne, s'il l'ose, et prenons-le sur un autre point où, nous l'avouerons, si les faits l'écrasent littéralement, la victoire devient pour nous trop facile. Tillemont, ainsi que Qucsnel et Massuct, a prétendu, contre toute vérité historique, contre tout bon sens, qu'au temps de saint Irénée, l'é- vêque de Lyon était le seul pontife de la Gaule. Nous ne ferons que placer ici un texte que nous prenons à l'un des premiers livres que nous avons sous la main , l'Histoire de saint Irénée , par le P. Prat , livre que le paléographe semble ne pas connaître, comme bien d'aulres. Ce pas- sage que le P. Prat donne comme renfermant son opinion n'est pas de lui, mais du P. Berthier {Histoire de l'Eglise gallicane) ; le voici : « Il s'agit seulement de savoir si cette lettre (la lettre de saint Irénée à l'occasion de la dispute sur la Pâque), publiée en confirmation de la pra- tique de Rome et de la plupart des Eglises par rapport à la Pâque, fut écrite dans un concile auquel présidait saint Irénée, et si ce concile était composé d'évêques. La réponse à ces deux articles doit êlre tirée du texte d'Eusèbe que nous traduisons, ici littéralement : « Il y eut, dit cet auteur (sur la dispute de la Pâque), des synodes et des assemblées d'évêques, et tous, par des lettres qui furent envoyées de côtés et d'autres, confirmèrent la règle ecclésiastique, qui défend de cé- lébrer l'a Pâque un autre jour que le dimanche... On a encore la lettre de ceux qui s'assemblèrent pour lors dans la Palestine ; Théophile, évêque de l'Eglise de Césarée, et Narcisse, évêque de l'Eglise de Jérusalem, en étaient les chefs. On a aussi la lettre de ceux qui s'assemblèrent à Rome pour le même sujet, et elle monlre que Victor était en ce temps-là évêque de cette ville. On a de même la lettre des évoques du Pont, ayant à leur tête Palmas, comme étant le plus ancien, celle des Eglises de la Gaule' qu'Irènée gou- vernait; celle des Eglises de l'Osroëne et des villes de ce canton-là , etc. » Voir la belle dissertation du P. Berthier, pour les diverses observations qu'il fait sur ce texte, observations dont il tire deux conséquences : a La -« première, c'est qu'à la fin du II e siècle (vers 197 ou 198), il y eut un « concile des églises de la Gaule, où présida saint Irénée... » « La seconde conséquence qu'on doit tirer du passage rapporté plus haut, « est que ce concile de la Gaule était composé d'évêques ; car on peut « raisonner ainsi : Eusèbe, parlant des Eglises de la Gaule qui écrivirent « sur la Pâque, se sert du même terme parœcia (wapouua), par lesquels il (1) Dom Liron, Singularités, tome IV, p. 190.