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CHRONIQUE THÉÂTRALE. 327
voir Balzac à l'œuvre sur un sujet pareil ; j'ai peine à croire qu'il se fût
borné à nous offrir, comme M. Augier, le spectacle d'un jeune avocat
aux prises avec la question grande de savoir s'il pourra attraper, dès le
début, une affaire assez importante pour le mettre en vue, et s'il sacri-
fiera à cette expectative son amour, c'est-à -dire son véritable avenir. Il est
visible que la donnée fondamentale est insuffisante pour manifester tout
ce que le type principal doit contenir, surtout si autour de ce type ne se
montrent que des personnages effacés, comme l'avoué Joulin, ou des profils
de vaudeville, comme celui de Mamignon. L'idée de faire demander par
Mamignon la main de Cyprienne, au moment où sa cour à Mathilde l'ex-
pose à la vindicte d'Hubert, est absolument indigne d'une comédie en
vers. Le vers oblige. Il déroge quand on le commet en de telles combi-
naisons. On souffre également de voir Cyprienne, qui aime Philippe, se
prêter à cette grossière apparence du mariage de Mamignon. M me Huguet
ne devrait même pas le prendre au sérieux ; car, après tout, si à force
de considérer le côté exclusivement positif des choses, elle est devenue,
comme elle le dit elle-même, un homme d'affaires, elle ne peut, à ce titre,
que rire d'un expédient puéril et sans conséquences possibles.
Et à propos de Mme Huguet, le caractère qu'en a tracé l'auteur a sou-
levé de nombreuses critiques. Ce caractère comporte en effet des parties
singulièrement répulsives. Toutefois, je sais presque gré à l'auteur de
l'avoir osé ; c'est le seul complet de l'ouvrage ; il est même trop complet,
trop uniforme, et c'est ce qui lui donne je ne sais quoi de fictif ; mais
enfin il est logiquement conçu et de lignes bien accusées. Le reste de la
pièce ne sort pas de l'épitre , de l'élégie et du badinage ; mais dans le
vigoureux crayon de Mme Huguet on reconnaît une main qui peut écrire
un jour une grande comédie et nous donner un vrai tableau.
Afin de justifier le titre qu'il avait choisi, M. E. Augier a été amené Ã
faire, plus que de raison, discuter ses personnages sur la jeunesse. La jeu-
nesse ! elle est tour à tour dans leur bouche un argument, un invocation,
une prière, une objection, une réponse à tout, une sorte d'entité allégo-
rique d'où dérivent toutes les vertus et à laquelle chacun adresse des
hymnes, sauf bien enteadu, Philippe, qui ne voit en elle qu'une Némésis
acharnée à le poursuivre. Il n'y a pas jusqu'à Cyprienne qui ne fasse à ce
sujet des phrases d'une pédanterie sentimentale, comme si elle pouvait
les comprendre. Le privilège des gens qui se sont toujours bien portés,
c'est de n'avoir aucune idée de l'état de maladie. Il en est de même de la
jeunesse -, on n'en sent bien le prix el (out le charme qu'on la perdant ou
après l'avoir perdue.