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94                          DE L'OISIVETÉ
vées ce sujet ont ému et passionné le pays. Mais s'il est
nécessaire de veiller aux semences jetées dans l'âme de la
jeunesse et d'en suivre la première germination, il ne l'est
pas moins de diriger les jeunes hommes, a l'époque où,
sortis du collège, ils entrent dans le monde, et vont faire
le difficile apprentissage de la liberté et de la vie sociale.
L'empire qu'on exerce sur eux est bien limité sans doute ;
il rencontre tous les obstacles qu'accumulent un amour du
bien-être et une confiance dans l'avenir, auxquels la pauvreté
ne fait pas de contre-poids ; mais si celui qui signale des de-
voirs méconnus et des écueils trop réels ne réussit pas h
convaincre les fils, il a du moins la ferme confiance qu'il ré-
pondra aux sentiments des pères, et qu'il y trouvera sa jus-
tification et son appui.
    J'ai craint un instant que cette étude d'une question toute
sociale ne fût trop éloignée des préoccupations habituelles
d'une compagnie littéraire et savante comme la nôtre ; mais
la réflexion n'a pas tardé a dissiper mes craintes. Mon désir
est d'influer sur la direction des esprits et d'agir sur les
mœurs. Or, n'est-ce pas fa le but de toutes les œuvres litté-
raires ? Quelle qu'en soit la forme, par quelque nom qu'on
les désigne, poème, satire ou drame, ces œuvres de l'esprit
excitent l'amour ou la haine, l'enthousiasme ou le mépris ;
elles éveillent des sentiments et donnent lieu à des appré-
ciations : dès lors, elles ne restent jamais étrangères aux
actes et aux mœurs de ceux qui en subissent l'empire, car
nos actions ne sont que le reflet de nos impressions et de
nos idées.
    Quelles preuves, du reste, cette séance ne m'offre-t-elle (1)
pas du concours que se prêtent les formes les plus diverses
de la pensée et du lien qui unit tous les travaux de notre
compagnie ?
    11 n'est peut-être personne dans cette assemblée qui, en
lisant le programme de la séance, n'ait été frappé des éléments
bien disparates qu'il rapproche : une dissertation et une tra-
gédie ! une froide étude de mœurs et le tableau animé de l'une
des traditions les plus émouvantes de l'antiquité (je passe
sur mille autres contrastes plus évidents encore) ; cependant,
un lien commun unit la dissertation et la tragédie que vous

   (1) La séance publique de l'Académie du 26 janvier a été consacrée à la
lecture de ce Mémoire et à celle de la traduction en vers de YOEdipe roi,
de Sophocle, par M. Gunet, professeur de philosophie au lycée de Lyon.