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«>2                   LE PÈRE DE LA. CHMZE.

   Enfin, de nouveaux calculs qui ont été faits par M. Capefigue(l),
d'après les cartons des généralités , portent le nombre des fugi-
tifs de 223 à 230 mille.
   En comparant ce chiffre avec ceux donnés par Larrey, et
Benoist, dont le dernier était exilé, on voit qu'en réalité le nom-
bre des émigrants ne s'éleva guère au dessus de 200 mille. Mais
quelque regrettable qu'ait été cette émigration, au point de vue
de l'humanité, elle n'entra pourtant que pour une assez faible
part dans la décroissance de population qui fut signalée en
France à la fin du XVIIe siècle.
   La véritable cause de ce mal ce fut la guerre de 1688 à 1712,
car si la perte de 200 mille citoyens eût été seule à se produire,
elle eût été à peine remarquée dans une nation qui comptait
déjà vingt-cinq millions d'habitants.
   On s'est demandé bien souvent aussi quels dommages furent
causés à nos fabriques? Les protestants ont mis tant de persis-
tance à grossir le mal que le sentiment général est encore sous
l'empire de ce préjugé : que la Révocation a porté un coup
mortel à notre industrie nationale. En remontant à la source on
ne tarde pas à s'apercevoir du peu de fondement de cette opi-
nion. En premier lieu, il ne faut pas perdre de vue que, dans
la plupart des corporations, les ouvriers protestants n'étaient
admis que très-difficilement et que leur nombre , par rapport
à celui des catholiques, était extrêmement restreint. Il y avait
même des corporations qui excluaient complètement les ouvriers
réformés ; les règlements sur cette matière étaient d'une rigueur
extrême. 11 est donc évident que dans le nombre des émigrants ,
on ne doit compter qu'on très-petit nombre d'ouvriers. Eussent-
ils composé seuls le quart des émigrés, ce qui est matériellement
impossible, que leur départ n'eût apporté aucun changement
 essentiel dans notre situation industrielle.
   Nous avons, dans les temps modernes, un exemple qui démon-
trera mieux que tous les raisonnements économiques, la justesse
de cette proposition. Après les guerres de la République et de

  (1)   Louis XIV et son gouvernement, par M. Capefigue.