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CORRESPONDANCE. 159 l'ancien régime, ne pouvait se détruire que par la force, jusque- là inconnue, qui se révéla en 1789 ; qu'en un mot la Révolution était une nécessité pour la commune ainsi que pour l'Etat : Est- ce que Louis XVI, avec tout le prestige d'une puissance royale sans limites, n'avait pas été obligé de sacrifier, à son grand regret, Turgot et ses projets réformateurs ? Est-ce que Necker, moins radical, plus circonspect, n'était pas tombé deux fois? Est-ce que, sur notre théâtre plus restreint, des magistrats consulaires, tout éclairés et bien intentionnés qu'ils étaient, avaient pu ren- verser des usages surannés et ridicules, tels que le ban d'août, en vertu duquel il était interdit de vendre du vin à Lyon dans ce mois, sans la permission de l'archevêque, et le droit de copo- nage, [qui autorisait le Chapitre à lever une coupe de blé sur chaque sac qui était apporté au marché? Est-ce qu'en 1789, au plus fort de la disette, le Consulat qui avait fait acheter des grains pour la ville, en Bourgogne, n'avait pas été empêché de les importer , par un arrêt du parlement de Dijon ? Est - ce que nos industries parquées et divisées par des règlements ab- surdes n'étaient pas toutes en interminables procès les unes contre les autres, avec des émeutes périodiques pour incidents? N'y avait-il pas, par exemple, l'inconcevable règlement de 1744, qui défendait à l'ouvrier en soie de travailler pour son compte? Les octrois exagérés sur les consommations, ne s'étaient-ils pas étendus jusqu'aux matières premières de nos manufactures, telles que la soie, et jusqu'aux marchandises des- tinées à l'exportation ? N'est-il pas vrai que tout le monde gémis- sait de ces abus qui compliquaient nos crises industrielles et alimentaires et que pourtant personne n'avait la force d'y porter remède ? C'est ce qui avait valu à l'aurore de la Révolution parmi nous, une adhésion à peu près unanime. M. Péricaud l'avoue et le con- teste tout à la fois. Il suppose que j'ai divisé notre population en quatre catégories : « La noblesse et le clergé, sans cesse en conspiration contre la Révolution. « La bourgeoisie et le commerce, usurpant, les armes à la « main, la terre où croissait l'arbre de la Révolution et interdi- « sant au peuple d'en goûter les fruits. « Le peuple, masse d'artisans et d'ouvriers, suivant avec calme « son instinct, se faisant obéir de l'Assemblée constituante, mar- « chant à un but providentiel, et n'ayant que Dieu pour chef. « La populace, ramas de gens de toutes conditions, soulevés « par l'aristocratiepour étouffer la Révolution dans ses émeutes. « Quant à la garnison suisse et française , elle n'avait point « encore les lumières de l'esprit démocratique: elle obéissait à « sa discipline. » Telle est, dit M. Péricaud, la prévention avec laquelle M. Morin continue son histoire.