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430                     CORRESPONDANCE.
que ce tuyau carré de tôle, maintenant qu'il était placé, ne faisait
pas un aussi mauvais effet qu'on le présumait, et l'on a proposé
de le peindre avec des raies bleues et blanches. Nous tous, poètes,
artistes, rétrogrades, etc., nous avons presque été convertis par
cette idée originale , et nous avons singulièrement regretté sa
non réalisation. Un pont de coutil nous paraîtrait le sublime du
genre , et du projet à l'exécution , il n'y a qu'un pas, car nous
savons qu'il n'est plus rien d'impossible.
   Quant au pittoresque château de Choulans, il sera renversé
comme tout le reste. Le sol, sur lequel il est construit, et celui
des clos environnants, prendront certainement une grande va-
leur utilitaire, et les constructeurs s'en empareront. Le proprié-
taire, séduit par le prix, vendra son terrain, son castel et ses
beaux ombrages : il fera d'autant mieux de se créer ainsi des re-
venus, que ce séjour, autrefois si agréable, sera dominé par des
maisons de cinq étages, et n'offrira plus aucun charme à la paix
et à la retraite.
   Nous ne sommes pas si ridicules que nous ne sachions parfai-
tement tout ce qu'il faut accorder au progrès matériel moderne ;
mais nous voudrions simplement voir poser en principe, qu'outre
les intérêts utilitaires, il en existe réellement d'autres fondés sur
les jouissances intellectuelles, et que , lorsqu'il est possible de
poser de légères entraves au vandalisme, souvent inutile, du
progrès , il y aurait convenance à le faire. Si nous demandons la
reconnaissance du principe, nous ne voulons pas qu'il dégénère
 en tyrannie. Il ne faut pas que le culte des souvenirs pittores-
 ques devienne une manie incommode ; mais tous les hommes qui
 ont une certaine portée dans l'esprit, comprendront que ce culte
 entretient un courant d'idées saines et conservatrices, et qu'il
 n'est pas entièrement à dédaigner. Au reste, ce qui prouve nos
 assertions, ce sont les réflexions suivantes que nous rencontrons
 dans le Courrier lui-même, du 3 avril 1858, à l'occasion des œufs
 de Pâques : « Ainsi s'en vont toutes les joies naïves, toutes les
 « pieuses et poétiques coutumes de nos pères. L'enfance elle-
 « même ne connaît plus ces voluptés pures : pour elle, l'œuf de
 « Pâques est une simple boite renfermant un beau louis d'or. »
                                             P. S.-OLIVE.