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398 UNE PRIMA DONNA
tragique. Cette nouvelle mésaventure égaya beaucoup les comé-
diens de la troupe, ses chers camarades. En général, les cama-
rades et les confrères s'amusent assez volontiers des petits désa-
gréments qui leur arrivent. La malveillance estundes passe-temps
ordinaire de la confraternité.
Quant à notre mari jaloux, la vérité en se faisant jour dans
son cœur et dans son esprit, lui avait montré ses injustes soup-
çons dans toute leur laideur; malheureux de ses erreurs, il était
plus malheureux encore de les reconnaître. Toujours l'homme
porte la peine de ses fautes : les folles passions le trompent, et
la raison qui l'éclairé le châtie. Étonnez-vous donc, que dans ce
monde, la raison ne compte pas plus d'adorateurs !
A quelque temps de là , le pauvre mari de la prima, atteint
d'une maladie de langueur et de consomption, succomba dévoré
par la fièvre et le chagrin. Sentant que sa fin était prochaine, il
voulut recevoir les consolations de la religion et les prières de
l'Eglise. Et peu de moments avant l'heure suprême, il écrivit
à sa femme une lettre tout imprégnée de tendresse et de larmes.
Dans cette lettre, il suppliait la prima de lui pardonner ses in-
justices et les douleurs qu'il lui avait causées, reconnaissant que
par ses vertus aussi bien que par son talent, elle avait toujours
été digne de son admiration, de tous ses respects, de tout son
amour.
A la réception de cette lettre si inattendue et si émouvante,
à la nouvelle de ce deuil prématuré qu'elle lui annonçait, la
prima donna, avec son âme de femme et ses nerfs d'artiste, s'é-
vanouit ; d'effroyables convulsions la retinrent pendant plusieurs
semaines, privée, pour ainsi dire, de tout sentiment. A force
de soins, cependant, le mal s'était amendé et les forces
étaient revenues à la jeune malade. Le terme de son engage-
ment avec le directeur du théâtre royal de la Haye étant alors
à la veille d'expirer, la prima donna lui fit connaître son inten-
• tion de quitter le théâtre. Elle se retira dans un couvent où les
regrets de la cour et de la ville la suivirent.
Pianiste aussi distinguée qu'habile et ravissante cantatrice, la
sœur Cécile (c'était le nom qu'elle avait reçu comme religieuse) ton-