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NÉCROLOGIE. 563 aux belles paroles que M. de Lamartine a prononcées sur sa tombe. « L'homme de cœur que nous -venons de remettre ici à Dieu, a exprimé plusieurs fois, pendant sa vie, le vœu renouvelé hier par sa famille, d'être enseveli à côté de mon père qu'il aimait assez pour vouloir reposer jus- qu'au grand réveil avec lui. Cette amitié héréditaire entre nos deux foyers m'autoriserait donc à prendre en ce moment la parole sur ce bord de tombe. « Que n'aurais-je pas à dire sur cette vertu du travail, sur cette mo- ralité de la richesse laborieusement acquise, libéralement partagée, stoïque- ment perdue, magnanimement reconquise, pour que personne n'eût à souf- frir de ses revers ? (( Que n'aurais-je pas à dire de cette supériorité d'intelligence dans l'ad- ministration publique des finances, qui fit invoquer ses lumières dans les temps difficiles par tous les gouvernements au profit de l'Etat ? < Que n'aurais-je pas à dire surtout de cette supériorité de cœur qui ( lui fît s'imposer résolument à lui-même, dès sa jeunesse, les trois tâches de l'homme d'affaires, acquérir par la fortune une plus grande puissance de bien, servir son pays, construire une famille ? « Ces trois tâches, vous voyez comment il les a achevées malgré une mort précoce : une situation énergiquement réparée, une estime publique dont cette foule est le témoignage, des amis dans tous les partis honnêtes, des reconnaissances qui se cachent pour ne pas éclater en sanglots, une veuve et une fille qui furent et qui restent les deux mains ouvertes de son inépuisable libéralité ; quatre fils, jeunes encore, déjà enracinés par son exemple et par son nom dans le travail, dans l'intégrité, dans l'estime, ces trois bases de la prospérité des maisons : voilà ses témoins devant les hommes, et je l'espère aussi devant Dieu. « Leurs sanglots étouffent les vaincs paroles que nous jetons à cette terre aride et me commandent le silence par la disproportion de toute pa- role, même d'ami, avec le sentiment des fils. « Des larmes, des prières, des bénédictions, voilà la seule éloquence des sépultures. Taisons-nous donc, consolons leur douleur, emportons sa mémoire ; ne tentons pas d'opposer à la mort d'impuissants discours, et ne cherchons, pour ses enfants et pour nous, le sens froid de l'homme en présence du sépulcre, que dans les deux forces morales qui peuvent seules se mesurer à la tristesse du cercueil: la résignation à la volonté divine et la certitude de notre immortalité. »