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                      ET AU LAC MAJEUR.                      549

des quatre cantons. Plus loin, des plaines, des collines, par
lesquelles, montant et descendant, vacillant dans notre étroit
véhicule, nous allons, traversant maints villages qui s'enfuient
sans laisser de traces dans nos souvenirs. Un seul nous arrête
un moment ; au milieu d'une vallée verte et ombreuse s'élè-
vent de blanches et riantes maisons ; çà et là, se dressent les
clochers de vingt églises et couvents étalant leurs vastes faça-
des, ou se cachant derrière un rideau de verdure ; sur le bord
de la route, s'alignent, de distance en distance, des poteaux
surmontés d'une petite niche où se voit l'image vénérée de
quelque saint populaire; tout, enGn, annonce un de ces lieux
privilégiés que la piété des fidèles a semés de témoignages de
reconnaissance et de ferveur : nous sommes en effet à Stanz,
dont la vaste église, avec ses murailles éblouissantes de blan-
cheur, sa flèche aérienne, son porche couvert de peintures
éclatantes, renferme le tombeau de St-Nicolas de Flùe, le pa-
tron et le thaumaturge de la Suisse.
   Bientôt, nous arrivons à Stanzstad où devait s'opérer notre
embarquement sur le lac des quatre cantons ; le ciel était bas
et lourd, le vent se levait en raffales, la pluie fouettait nos
visages et les eaux commençaient à moutonner; malgré les
vastes dimensions de notre barque et ses quatre rameurs, la
perspective d'une navigation sur ces flots agités nous souriait
fort médiocrement; les cîmes des montagnes se chargeaient
de noirs nuages, à leurs flancs s'amoncelaient de sombres
vapeurs, et çà et là, sur un roc à fleur d'eau une croix sinistre
nous signalait un écueil fameux par quelque triste naufrage ;
aussi, les préoccupations de la traversée nuisirent à la liberté
de nos esprits, et, sans avoir rien remarqué des beautés qui nous
environnaient, nous abordâmes à Lucerne, port attendu avec
impatience,salué avec ravissement, et où je voi^s quitte,ma chère
mère, pour votre bonheur et le malheur de l'infortuné à qui
est destinée la prochaine et non moins interminable épître.
            {La fin au prochain numéro).     CLÉMENT CÀRS1GNOL-