page suivante »
534 UNE PROMENADE EN SUISSE D'abord il nous emporte sur les eaux blanchâtres de \'Aar qui va nous conduire dans le lac de Thun et que nous retrou- verons plus lard traversant aussi le lac de Brienz ; sur l'étroite langue déterre qui l'enserre de ses bras verdoyants, un pied sur ses bords, un autre sur le lac s'élève Schadow, splendide château gothique que M. de Rougeinont fait construire en face d'une habitation plus modeste qui, sur les bords opposés, se cache derrière un promontoire de verdure et semble mériter parle calme dont elle est environnée son humble et tranquille nom de Chartreuse; plus loin, un autre prince de la finance, M. de Pourtalès, restaure l'antique manoir de quelque vieux baron ruiné peut-être jadis par un juif, ces vrais banquiers.... du moyen âge. Nous sommes sur le lac, et, en avançant, ses bords deviennent plus sévères et plus tristes ; à peine quel- ques rochers grisâtres, quelques sapins rabougris sous les- quels se dessine l'étroit ruban d'une modeste cascatelle. Ces lieux mélancoliques, mais paisibles et silencieux, étaient, il y a peu de jours, désolés par une affreuse catastrophe ; sur le penchant de la montagne qui tombe presque à pic, une An- glaise, jeune femme encore au printemps de la vie, pleine de grâces et de beauté, courait insouciante, rieuse, tressant une couronne et chantant comme un oiseau;... lout à coup, la terre manque sous ses pas, elle chancelle, tombe et roule fracassée aux pieds de sa mère et de son époux ! » Et comme Ophélia, par le fleuve entraînée, » Elle est morte en cueillant des fleurs ! Nous regardions avec une véritable sympathie le théâtre de celle émouvante tragédie, mais bientôt voici le rivage , sur lequel des voitures nous attendent et nous emportent d'un pas rapide à d'autres spectacles, à d'autres émotions. Nous traversons en courant Inlerlacken et Unterseen, où nous re- viendrons bientôt, et, retrouvant XAar sur lequel fume un