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466                l'NE PROMENADE EN SUISSE


                      LETTRE          III.
                          A M lle A. P.

                                              25 juillet 1850.



   C'est donc ici, ma chère sœur, au sommet de la montagne
qui domine Vevey, que je vous prends avec nous pour vous
mener jusque sur les bords du lac de Thun.
   N'allez pas croire, chère amie, que, voyageant en Suisse ,
nous soyons pour cela toujours suspendus sur les bords d'af-
freux précipices , sans cesse exposés à nous briser contre un
rocher ; non , la Suisse s'est fort humanisée depuis les jours
où l'agilité du chamois n'était point de trop pour cheminer
dans ces scabreuses contrées; rien, au contraire, de plus
agréable et de plus roulant que la roule où s'avance notre
voiture, au trot pesant de ses deux lourds chevaux. Le pays
que nous traversons n'a rien de désert ou de sauvage ; loin de
là. C'est un vaste plateau , légèrement ondulé, uniforme sans
monotonie , coupé de bois, de prairies, couronné de hauts
sapins et peuplé d'une foule de chalets, les uns petits et mo-
destes, les autres vastes et élégants, aux façades sculptées, aux
toits dentelés,el dont les portes sont couvertes de peintures gros-
sières et pieusement allégoriqu es. Ici, une mère et deux jeunes
enfants, groupés surle seuil paisiblede leur demeure, se pressant
immobiles, le cou tendu,la bouche béante,écoutenl,avec l'avidité
d'un mélomane se pâmant aux merveilles de la symphonie pas-
torale, les glapissements d'une valse serinée par un virtuose
ambulant sur le clavier grinçant d'un clavecin portatif. Là
s'avancent de longs chars pliant sous le foin embaumé, dont les
fleurs ombragent et couronnent la tête fumante des grands
bœufs attelés à leur limon léger, tandis que fermiers et fer-