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                      P.-R. DE LA MENNAIS.                       399

génie, le talent, les bonnes intentions et les efforts les plus dé-
voués au vrai ne sauraient faire fléchir les lignes rigides et fata-
les sur lesquelles un système de logique vicieuse nous fait
marcher vers ses plus imperceptibles conséquences. Sur cette
voie de fer, il n'y a point de freins, et il faut rouler jusqu'au
saut du précipice.
   0 hommes ! Vous qui vous scandalisez de ces singulières vi-
cissitudes de tant de grands esprits, regardez au fond de leur
intelligence et si vous n'y trouvez que des doctrines humaines,
ne vous étonnez pas de les voir arriver, comme malgré eux,
aux dernières limites de cet orgueil scientifique de l'esprit, bien
plus explicatif des aberrations de l'homme que cet orgueil pra-
tique qui a son siège dans le cœur. — Vous qui gémissez sur les
ruines que les catastrophes politiques ou religieuses entassent au-
tour de vous, regardez plus haut, et sachez voir dans les régions
idéales le principe de la foudre invisible qui vous frappe. Tou-
jours, toujours un lien intime unit les effets aux causes, et tou-
jours cette filiation de l'intelligible s'accomplit par un insensible
progrès vers le bien ou vers le mal, suivant le point de départ.
   Ainsi la science, qui a son principe en Dieu, retourne à Dieu
et porte des fruits de vie ; ainsi la science, qui veut avoir son
principe en l'homme seul, reste en l'homme; et, sur cette plante
vivante, ainsi privée de sa sève nourricière, que peut-il se pro-
duire, que la mort ?
   Dira-t-on donc toujours que les principes ne sont pour
l'homme qu'un embarrassant bagage dans sa marche incessante
vers de futures destinées, et s'obstinera-t-on à ne voir dans les
paroles ou dans les faits que des moyens qu'il peut toujours libre-
ment changer pour y atteindre ? Fatale morale qui a sa double
source, et dans la faillibilité si souvent reconnue des opinions
humaines, et dans la commune répugnance à prendre, une bonne
fois, leurs bases dans les croyances religieuses révélées.
   C'est une grande misère que ce volontaire aveuglement, et
c'est à cette infirmité spirituelle qu'il faut attribuer la stérilité
des efforts de l'homme pour sauver l'homme et la société hu-
maine.