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388                   F.-R. DE LA MENNAIS.
ble qu'ils n'en puissent et doivent porter d'autres, et que tout
contact, même antérieur, de l'erreur comme du vice, soit pour
eux une sorte d'amoindrissement.
   Or, tous ont dit que M. l'abbé de la Mennais avait effacé de
son front cette auguste empreinte; et tous se sont plu à signaler
au mépris ou du moins à la pitié des esprits, un esprit qui
avait ainsi passé la première partie de sa vie à réfuter d'avance
la seconde, et la seconde à scandaliser la première. C'est déjà,
hélas ? un bien grand malheur pour sa mémoire que ce résultat
incontestable ; car c'est la suppression et la réduction à zéro,
opérée par lui-même, de tous les efforts de son talent pour l'ex-
pansion d'une vérité quelconque ; c'est le réciproque sacrifice
de lui-même par un autre lui-même.
   Mais a-t-on bien pris garde qu'on ne jugeait ainsi cette œu-
vre, que (s'il m'est permis de parler de la sorte) sur l'écorce des
idées et leur apparence extérieure ; et que c'était faute de voir
d'ensemble et de pénétrer l'intime essence de cette doctrine qu'on
la supposait ainsi contradictoire.
   C'est là ce que nous croyons fermement. Selon nous, c'est à
tort qu'on caractérise ainsi l'œuvre de M. de la Mennais. Nous
la croyons, au contraire , parfaitement une et simple ; et, dût
cette affirmation être considérée comme un paradoxe, nous
osons dire que cette vie relève en réalité d'un seulprincipe.Mais,
si l'abbé de la Mennais n'a pas commis le crime intellectuel des
contradictions volontaires, il est juste de dire aussi, dès à pré-
sent qu'il a encouru la déchéance, sinon aussi coupable, du
moins plus humiliante, de la conséquence involontaire dans le
faux. Qu'on pèse bien ces paroles.
   Oui, cet homme n'a été qu'un talent et non point un génie, parce
qu'il s'esttrompé sur sa pierre angulaire qu'il a choisi mauvaise, et
que, voulant construire pour la vérité sur ce fondement, il a forcé-
ment, au contraire, construit pour l'erreur : à son insu d'abord,
et plus sciemment ensuite, parce que la logique a dû naturelle-
ment avoir raison d'un aussi grand esprit.
   L'abbé de la Mennais a été conséquent, mais conséquent dans
l'erreur imprudemment prise pour base ; et, à ce titre, force lui