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.T. AUTRAN. 265 Autran , poète aimé déjà dans ce petit inonde qui lit encore les beaux vers, était un nouveau-venu pour la foule qui fréquente les théâtres. Vivant loin de Paris, préférant son soleil de Pro- vence à la gloire , comme le disait de lui M. de Lamartine , il n'avait pour soutenir son œuvre aucune des ressources de la ca- maraderie. Sa Fille d'Eschyle fut, malgré cela, l'événement litté- raire de cette saison si féconde en grands événements. Quelques mois après, l'Académie française, sanctionnant dans le recueille- ment de son aréopage les bruyants arrêts de la jeunesse des écoles, décernait à M. Autran, retiré au bord de sa belle mer phocéenne, la couronne de la poésie dramatique. Mais ce n'est ni l'ovation théâtrale, ni le laurier académique qui nous recom- mandent la tragédie de M. Autran , c'est la poésie vraie, le pur et beau langage, la sincère élévation des sentiments, toutes choses si rares aujourd'hui sur la scène dans les œuvres les plus applaudies. Nous n'avons pas cherché, dans la Fille cl'Eschyle, modestement intitulée étude antique, ce mouvement de person- nages et cet agencement d'incidents dont le moindre fournisseur des Variétés ou du Gymnase acquiert si vite le secret, mais, outre le charme des beaux vers, nous y avons trouvé l'intérêt sérieux, le noble attendrissement qui suffisait aux maîtres pour remplir la scène tragique. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que la poésie est de trop sur le théâtre, même dans une pièce en vers, et qui font un mérite à une tragédie de n'être pas entachée de lyrisme ; c'est pour ce défaut splendide que les drames de Victor Hugo resteront, en dépit de tout, un des monuments de notre langue. Le terre-à -terre des sentiments et du langage, pour être une déchéance dans la poésie, n'est pas un progrès dans la vérité dramatique et dans le bon sens. Aucune des excentricités reprochées au théâtre moderne n'ap- paraît, d'ailleurs , dans la Fille d'Eschyle ; le drame se déroule avec une simplicité aussi religieuse et d'une marche aussi grave que la théorie qui traverse la scène rapportant les cendres de Thésée. Et cependant l'inspiration lyrique éclate dans les accents de tous les personnages. Même au coin du foyer domestique, la Muse se souvient que ses acteurs s'appellent Eschyle et Sophocle,