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DES TABLES TOURNANTES. 209 jongleries, et, dans une supposition aussi bien que dans l'autre, de le regarder comme trop au-dessous de la dignité d'un homme d'esprit. Mais, dans ce cas, cette fin de non-recevoir, lors même qu'elle serait renforcée pcr la raillerie ou la commisération, n'a- boutirait nullement à persuader qu'il s'agit, ou d'une baliverne, ou d'une action repréhensible. Les esprits frappeurs menacent de faire leur chemin, et, tandis que dans les hautes régions de la science on ricane, et que le haut clergé censure , les consciences superstitieuses trouvent un aliment à leur faiblesse dans la croyance de pouvoir à leur gré se mettre en rapport avec une puissance occulte, toujours prête à complaire, et même à flatter leurs convic- tions. Ne serait-il pas plus sage d'aborder de front le phénomène plutôt que de le nier, et de chercher d'une manière ou d'une autre à en donner une explication conforme au bon sens et à la physiologie ? Nous n'hésitons pas à adopter un tel parti, et aussitôt que nous aurons passé en revue les différentes opinions des savants automatistes que nous avons nommés, nous essaierons d'accom- plir cette tâche, quoique peu proportionnée à nos forces. L'es- poir de sauvegarder l'intégrité des intelligences faibles ou mysti- ques compense bien la chance de s'exposer à la pitié de quelques esprits prétentieux qui rient de tout ce qu'ils ne comprennent pas, et rient fort souvent, n'affectant de souci que pour tout ce qui se rapporte à l'organicisme, au cadavérisme, à la matière tangible, les seules bases inébranlables, selon eux, d'une physiologie posi- tive. Jusqu'à présent, ce positivisme scientifique n'a pas réussi à empêcher la dislocation des idées chez plus de quatre cents personnes, qui expient dans les manicomes leur tendance au merveilleux. D'autres interprétations autoinatistiques qui ont suivi de près l'article de M. Chevreul sont les unes et les autres trop peu origi- nelles , ou trop peu sérieuses pour être discutées. En effet, ce n'est pas sérieusement que, pour éclaircir le phénomène, on peut recourir, comme l'a fait un écrivain français, à la force qui s'en- gendre pendant le passage du sang artériel dans le système vei- neux , ou à la claudication des tables mise en ligne de compte avec la prestidigitation par un professeur romain. Le moindre dé- faut de la première de ces conceptions est de blesser les notions élémentaires sur la circulation du sang, et la seconde est une plaisanterie. L'ordre chronologique nous amène à parler de M. Faraday. Cet illustre physicien a apporté au phénomène des tables tournantes l'esprit de positivité qui distingue tous ses travaux, c'est-à -dire qu'avant de théoriser il a commencé par expérimenter. Comme tout le monde, il a vu que les tables tournaient, et, pour se rendre compte du mouvement, il a interposé entre la table et les mains des expérimentateurs des feuilles de carton ou autres, disposées de manière à ce que le moindre mouvement involontaire de l'o- pérateur soit signalé par un index, qui, attaché d'un bout à la 14