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204 DU PHÉNOMÈNE
de l'intelligence de descendre dans l'arène lorsque l'esprit public
est en danger. Nous nous empressons, pour notre part, de recon-
naître que M. Babinet rend un véritable service à la société en se
dévouant à redresser des croyances par trop fantastiques, et qui
tendent à se généraliser. Cependant, au lieu de lui prodiguer des
éloges, nous estimons pouvoir être plus utiles en provoquant des
éclaircissements, si nos observations sont accueillies par lui avec
autant de bienveillance que nous mettrons de respect à les lui
adresser.
M. Chevreul, qui s'est occupé du même phénomène, a cru, si la
mémoire ne nous fait défaut, devoir l'attribuer à des mouvements
automatiques qui s'exécutent indépendamment de nous et malgré
nous. Faibles, de peu d'étendue et de peu de durée, ces mouve-
ments acquièrent cependant l'intensité convenable pour produire
ce phénomène en se multipliant en proportion du nombre des
mains qui concourent au même but. Ce savant technologiste rap-
porte le mouvement des tables à un effet synergique d'impulsions
inaperçues, petites, mais nombreuses, effectuées par des muscles,
qui, malgré leur dénomination de volontaires , n'agissent" pas
moins, dans cette circonstance, comme des muscles automa-
tiques.
Quelque temps après, M. Faraday a paru, tenant à la main un
instrument à l'aide duquel chacun peut se convaincre que le phéno-
mène dont nous parlons n'est que l'effet d'une tricherie que le sys-
tème musculaire se permet déjouer à notre moi. Nous croyons être
les maîtres de nos mouvements volontaires, et, conséquemment,
nous croyons nous apercevoir toujours de ce qui se passe dans les
engins soumis à notre volonté : eh bien ! nous nous trompons. Il y a
des mouvements qui échappent à la sensibilité, et dont on a con-
naissance dès qu'on trouve un moyen pour les sentir. Or, ce moyen
est tout trouvé dans l'emploi de son correcteur, puisqu'avec lui on
ne peut obtenir aucun résultat, ou, si l'on en obtient, on s'aper-
çoit bientôt que c'est par inadvertance. Nous nous mettons sur
nos gardes et toute illusion disparaît.
Pour expliquer ce phénomène, M. Babinet n'a pas recours Ã
des mouvements de la nature de ceux qu'admettent M. Chevreul
et M. Faraday, ou tout au moins il ne s'en forme pas la même
idée. Il s'agit, d'après lui, de mouvements à la vérité petits et de
peu d'étendue, mais d'une force énergique, puissante, irrésistible ;
de mouvements qu'il appelle naissants, et qui, Ã la rigueur, pour-
raient se passer de la synergie du nombre pour produire les
effets les plus remarquables. D'après les exemples qu'il a cités , et
que nous examinerons plus tard, ces petits mouvements naissants
sont capables des plus grands résultats. Ce qui constitue une
énorme différence entre l'appréciation de M. Babinet et celle des
savants qui l'ont précédé, et donne à sa théorie un cachet tout
particulier.
Quoi qu'il en soit, nous tenons à constater, avant tout, que les