Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                      DE LA POSSESSION ANNALE.                          181
 titua un état nouveau dans le monde. « Elle se distingue, comme
 l'exprime M. Guizot (1), de toute autre aristocratie et de tout
 autre gouvernement. » Pour la première fois on voyait la terre
 possédant bien plus l'homme que l'homme lui-même ne la pos-
 sédait. C'était, comme on l'a très-bien dit, le droit humain
 incorporé à la propriété.
    « Alors disparut la dernière classe de la société gallo-franque,
 celle des hommes possédés à titre de meubles , vendus ,
 échangés, transportés d'un lieu àl'autre comme toutes les choses
mobilières. L'esclave appartint à la terre plutôt qu'à l'homme ;
 son service arbitraire se changea en redevances et en travaux ré-
glés ; il eut une demeure fixe, et, par suite, un droit de jouissance
sur le sol dont il dépendait. Ce fut le premier pas où se marqua,
dans l'ordre civil, l'empreinte originale du monde moderne : le
mot ser/prit de là son acception définitive
    » Le droit cesse d'être personnel et devient local ; les codes ger-
maniques et le code romain lui-même sont "remplacés par des
coutumes ; c'est le territoire et non la descendance qui distingue
les habitants du sol gaulois
    » Au Xe siècle, on voittous les serfs casés par famille ; leur ca-
bane et le terrain qui l'avoisine sont devenus pour eux un héritage.
Cet héritage, grevé de cens et de service, ne put être ni légué ni
vendu, et la famille serve a pour 1 oi de ne s'allier par des mariages
qu'aux familles de même condition attachées au même domaine.
Les droits de main-morte et deformariage restèrent au seigneur
comme sa garantie contre le droit de propriété laissé au serf.
Tout odieux qu'ils nous paraissent, ils eurent non seulement
leur raison légale, mais encore leur utilité pour le progrès à
venir (2). »
    Cette époque, toute de transition, a tellement son caractère
propre, son cachet d'originalité, que c'est véritablement d'elle
que date le peuple français, sorti de l'élément gallo-romain et
de l'élément germanique, jusqu'alors juxta posés l'un contre

  (1) lue. clicl., p. 344.
  (2) AUGUSTIN THIERRY.-- DU Tiers-Elut. T. I, p. 13, oïlil. Funu',. 1853.