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  140                         DE LA SATIRE
  grâces se rencontrèrent d'une manière frappante dans la vie du
  puritain Baie, auteur d'une série de pamphlets dramatiques
  donnés sous le titre de Mystères. Baie avait été moine comme
  Luther, et, comme lui, il était sorti brusquement des ordres par
  un mariage. Trop impatient pour se plier au rôle prudent et
  souple des évêques d'Henri VIII, il entra dans une violente oppo-
  sition contre le clergé, qu'il accabla de ses injures dans une foule
  de traités intitulés selon le style bouffon de la polémique d'alors :
  la Messe des Gloutons, l'Alcoran des Prélats, etc. ; mais ces livres
  n'arrivaient qu'à un petit nombre de lecteurs, et Baie qui voulait
  agir sur le public en masse, eut l'heureuse idée de se servir dans
  ce but du théâtre ; il s'y montra l'apôtre ardent du protestantisme.
  Ses Mystères ne sont, à vrai dire, que de longs commentaires sur
  les points de doctrine les plus débattus par les deux partis, et l'au-
  teur y paraissant lui-même sous le personnage de Prologue, prê-
  chait du haut des tréteaux à la multitude le mépris des œuvres,
  la doctrine de la prédestination , le libre examen, etc. Rien
  de curieux comme le titre de certaines de ces pièces perdues au-
  jourd'hui. L'une était dirigée contre « les falsificateurs de la
  parole divine; » l'autre dévoilait les « impostures du sanctuaire
  de Cantorbéry (1). » Baie s'aventurait même sur le domaine de la
- politique, et prenait, pour sujet d'une de ces discussions drama-
  tiques, le divorce du roi avec Catherine d'Aragon, ce qui devait
  faire un plaidoyer assez ennuyeux, mais ce qui favorisait les vues
   du roi, car il va sans dire que l'auteur, fougueux protestant, ne
  s'y faisait pas l'avocat du pape. Ceci nous explique la demi-sé-
  curité où vécut Baie pendant une partie du règne d'Henri VIII,
  auprès de qui le crédit du favori lord Cromwell le soutenait
   d'ailleurs. Cromwell mort, Baie toujours plus en butte à l'ini-
  mitié des prélats, dut quitter l'Angleterre et se retira en Hol-
  lande , où il alla grossir les rangs des Tyndal, des Joye, des


   (1) Voir la curieuse Statistique des recettes comparées des sanctuaires de
 Cantorbéry. Hume, 31, 19. Depuis le pèlerinage de Louis IX au tombeau
 de saint Thoma», les bénéfices de ce sanctuaire s'étaient prodigieusement
 accrus.