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70 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Beaucoup de botanistes, les plus savants en général, ont applaudi à ces travaux de M. Jordan ; quelques-uns lui ont reproché cette multiplication des espèces , alléguant qu'elles ne reposent que sur des nuances peu im- portantes , presqu'insaisissables, et qui peuvent bien n'être après tout que le résultat d'influences extérieures ; que ces nuances constituent bien des variétés, mais ne suffisent point à fonder des espèces. Peut-être a-t-on objecté aussi à M. Jordan les modifications bien plus considérables , bien plus tranchées que la culture a fait subir aux plantes potagères, aux céréa- les , à la vigne , aux arbres fruitiers ; peut-être lui a-t-on objecté encore les variétés si nombreuses , si distinctes que comptent les espèces d'animaux domestiques. Si on ne lui a pas fait ces objections, il les a prévenues , et il y a répondu dans le livre dont nous avons cité le titre. Il repousse d'abord la comparaison que l'on voudrait établir entre les plantes cultivées et les animaux domestiques croisés , variés par le fait de l'homme. L'organisation des premiers , bien plus simple que celle des seconds , ne saurait se prêter à un aussi grand nombre de modifications ; nous n'avons point sur celles-là autant d'action que sur ceux-ci. Les condi- tions de nourriture et de climat n'exercent point sur les végétaux une influence aussi puissante que sur les animaux. A ce point de vue les derniers sont bien autrement exclusifs que les premiers. C'est ce que prouve le fait des plantes de tous les pays , de tous les climats, de tous les terrains , de toutes les expositions , rangées côte-à -côte dans les jardins botaniques , selon l'exigence des classifications , et toutes assujetties ainsi à un même, régime, plongeant leurs racines dans le même sol, épanouissant leurs feuilles et leurs fleurs sous le même soleil. Voilà pour l'objection tirée de la com- paraison du règne anima] et du règne végétal. Quant à celle que l'on voudrait fonder sur la comparaison des plantes spontanées avec les plantes cultivées, M. Jordan s'en débarrasse du premier coup , en affirmant et établissant qu'un grand nombre des variétés que l'on distingue dans les arbres fruitiers , dans les légumes , dans les céréales , dans les plants de la vigne , sont de véritables espèces , parfaitement dis- tinctes , caractérisées par des différences importantes , invariables , qui affectent les organes les plus essentiels , le fruit ou la graine. Il est impossible , selon l'auteur, que la culture , l'art ou le hasard aient produit de tels caractères. La culture qui consiste dans le labour , le sarclage et l'engrais, ne peut favoriser que le développement des végétaux . en augmenter les proportions , l'embonpoint , si l'on peut s'exprimer ainsi. De là les fleurs doubles ou pleines. La transformation par la culture d'une espèce en une autre , d'un œgilops , par exemple, en trilicum , n'est dont