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                  ALPINISME RÉTROSPECTIF                   469

sur une élévation dominant l'agreste vallée de l'Albarine,
tout près de la route qui conduit à Nantua, en pleine région
montagneuse, et non loin du plateau de Retord, d'où
M1Ie d'Angeville dut apercevoir pour la première fois le
Mont-Blanc. C'est dans cet air pur que se développèrent
parallèlement sa robuste constitution et ses saines facultés
morales, formant par leur ensemble un remarquable équi-
libre que ne connaissent pas toujours les descendants des
vieilles races.
    « Elle grandit dans la liberté qu'apporte nécessairement
la vie à la campagne. Elle y acquit cette fière indépendance,
cette horreur du convenu, cet amour du vrai et cette
volonté tenace que nous verrons à l'œuvre dans la suite.
Dès sa jeunesse, elle puisa dans les belles scènes de la
nature les facultés d'enthousiasme dont elle devait rester
vibrante toute sa vie. Mais si son esprit s'ouvrit à la poésie
du rêve, il s'ouvrit également, chose rare, aux habitudes
d'observation les plus précises; c'est ainsi qu'elle aimait à
se rendre compte de tout, soit dans le domaine scientifique,
soit dans le domaine moral, témoin la curieuse et typique
anecdote suivante. Charitable et bonne, mais ne voulant
donner qu'à bon escient, elle s'en fut un jour chez une
vieille pauvresse, endossa les vêtement de celle-ci, ajusta
un tour sur ses cheveux, jeta une besace sur son épaule et
 partit demander l'aumône dans ce petit village où elle était
 cependant connue de tous. Elle revint le soir, sans avoir
 trahi son incognito, pliant presque sous la besace gonflée
 de tous les vivres récoltés : pour sept ou huit francs, disait-
 elle. Elle remit le tout à la pauvresse et s'en alla, désormais
rassurée sur le sort des professionnels de la mendicité. »
   Séduite de jour en jour par la beauté des montagnes et les
sites pittoresques du pays qu'elle habitait, Henriette d'An-