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                             QUELQUES NOTES                    387

ils voient trois ou quatre messieurs, tête nue, de la dernière
politesse, qui expliquent tout avec une rare obligeance. En
s'en allant, les visiteurs leur font un grand salut. —
Qu'est-ce que ces messieurs, demande la jeune fille au
commandant qui les accompagnait? — Quels messieurs?
— Ceux qui nous ont fait visiter si agréablement la pharma-
cie. — Ah ! ce sont des forçats.
   Ainsi, dans la vie, ne sait-on pas toujours distinguer les
messieurs des forçats ou de leur équivalent.

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    J'entends beaucoup parler de progrès réalisé, de mouve-
 ment en avant, de chemin parcouru, etc., etc.Il me semble
 que le progrès a surtout consisté jusqu'ici à élargir le champ
 de la souffrance. Le progrès matériel n'est rien, s'il ne rend
pas les gens plus heureux. Quoi, s'il les rend plus malheu-
reux ! Cela m'est bien égal d'aller plus vite de Lyon à
Marseille, si je n'en ai pas une impression consolatrice de
plus. Les gens qui ont de la prétention à l'intelligence se
sont raffinés, compliqués, torturés. Quelle existence plus
chagrine que celle des pessimistes, de ceux qui mettent une
sotte vanité à se qualifier de dilettantes, etc., etc.? En raffi-
nant leurs plaisirs à l'aide de la civilisation, ils se sont
excités, surmenés, névrosés, abrutis. Quant aux ouvriers,
ils ont vu leur bien-être matériel considérablement aug-
menté, mais les sentiments d'envie, les besoins de jouir, en
se développant, leur ont fait l'existence misérable. — En
somme, plus de souffrance, dans plus de grossier bien-être,
voilà le progrès.
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  C'est très drôle, les écrivains « naturalistes » se réclament
   N'J ï. — Novembre 1894,                                26