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346 LETTRES SUR UN VOYAGE EN FRANCE Briare. Le canal qui passe à Montargis est ici à sa source, ou à son embouchure comme vous voudrez l'appeler. Il prend son nom de cette ville et le conserve jusqu'à la Seine. Par son moyen se fait un grand commerce, et dans son genre il est aussi utile à ces provinces, que le canal de la Guyenne, en Languedoc, l'est à celles qu'il baigne. Quand on a vu ce canal, ce qui ne prend pas beaucoup de temps, on peut enjamber par dessus toute la ville sans crainte de perdre beaucoup. Elle n'a qu'une longue et sale rue, quelques églises ou couvens, et des maisons de peu d'appa- rence. Le plus beau fleuron de sa couronne est la Loire. Elle vous accompagne jusqu'à La Charité, et là , vis-à -vis la manufacture royale de boutons, assez grand bâtiment hors la ville, elle présente une flaque d'eau immense, à perte de vue. Notez qu'à cette époque la Loire étoit débordée et couvroit une grande étendue de terre. Je dois dire à l'hon- neur de l'administration que les chemins sont bien entre- tenus dans cette partie de la province. Des ouvriers répandus ça et là recouvrent les ornières à mesure qu'elles se forment et les remplissent de petites pierres qu'ils trouvent dans des tas, rangés symétriquement le long de la chaussée. Il faisoit ce jour-là un temps désordonné. Alternativement du soleil et de la pluye, de la pluye et du soleil, véritables giboulées de mars. Cette alternative produisoit un coup d'œil fort agréable sur la route que je parcourois. L'eau qui remplis- soit les ornières, réfléchissant les rayons du soleil, sembloit dans la perspective, de longues bandes de gazes d'argent étendues inégalement sur le grand chemin. La nuit m'ôta bientôt cette amusette, car tout amuse un voyageur désœu- vré, et ce fut avec elle que j'arrivai à Nevers. C'est une grande et assez belle ville. Elle fait un commerce considé- rable de faïence, de verreries et de verroteries. On pourroit