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LE CHRIST D'iVOIRE 307 chargé que j'étais déjà de présider aux travaux, qui feront du palais du surintendant Fouquet, un monument, dont la splendeur effacera celle des demeures royales. Vous pouvez en juger par la mission qui m'est confiée. En ce moment, je pars pour l'Italie, où je dois choisir dans les carrières de Carrare, les marbres les plus beaux et les plus rares. Je dois faire plus encore; car j'ai aussi la mission de m'assurerdu concours des meilleurs artistes que je pourrai trouver soit en France, soit en Italie. Comprenez-vous maintenant combien je serais heureux de voir l'auteur de ce christ, et combien plus heureux encore je serais de pouvoir obtenir de lui une œuvre pareille, pour la chapelle du château de Vaux? — Oui, je vous comprends, répondit Dom Palémon. Mais la vie d'un moine doit demeurer obscure et ignorée. Le concours, que vous lui demanderiez, ce serait encore renouer, avec la vie du monde, un lien qui s'est rompu à jamais. — Ne parlons plus de gloire, reprit Puget. Mais vous ne voyez donc pas tous les avantagés que votre Ordre pourrait en retirer ? Votre chartreuse est pauvre ; elle doit tout aux libéralités de généreux bienfaiteurs. Jugez ce que lui vau- drait la protection d'un puissant ministre de Sa Majesté. — Jamais les fils de Saint-Bruno n'ont rien demandé aux grands de la terre, dit Dom Palémon. Leur pauvreté est leur honneur, et si parfois, ils ont reçu quelques bien- faits, ces faveurs passagères ont été consacrées uniquement à la gloire de Dieu. Voyez cette église, voyez ces riches monuments funéraires, qui en font le plus bel ornement, tout avait été saccagé et ruiné pendant les guerres de religion. Ce sont les généreux bienfaiteurs, dont vous me parlez, qui nous ont aidé à faire disparaître les traces des