page suivante »
LES SIRES DE BEAUJEU 203 La sagesse et l'habileté politique des sires de Beaujeu se manifestent aussi dans leurs rapports avec l'Eglise. A cette époque de lointaine et lente évolution sociale, les princes et les seigneurs regardaient l'Église comme la grande civilisa- trice et éducatrice du peuple, la seule institution qui fût capable d'adoucir et de corriger ses mœurs. C'est pour cela qu'on les voit fonder partout des chapitres, des abbayes et des monastères où l'enseignement des connaissances humaines alternait avec l'étude de la science religieuse et les cérémonies du culte. Du reste l'esprit de foi des hauts barons, qui survivait à la violence de leurs passions, que seul il avait la puissance de contenir, leur faisait estimer comme un devoir d'établir des maisons de prières pour l'expiation de leurs péchés, ainsi qu'ils l'avouent franche- ment dans les actes de fondation. C'est ce même esprit de foi, animé du même motif, qui en engagea beaucoup à se revêtir du froc monacal à la fin de leur vie, comme le fit l'un de nos seigneurs, Guichard III. Mais avant de parler des nombreuses fondations faites par nos sires, il faut bien avouer que souvent, au moins dans les premiers temps, ils dépouillaient les églises avant de les enrichir, et que ces fondations mêmes avaient pour but principal de réparer les maux qu'ils leur avaient causés. J'ai comme un droit de leurs fiefs. Mais leur puissance ayant diminué dans la suite à mesure que croissait celle du roi, et leur prestige ayant été atteint par les grandes défaites de Courtrai, de Crécy et de Poitiers, Charles V réalisa ce que n'avait pas osé entreprendre son prédécesseur, et il déclara criminel de lèse-majesté tout seigneur qui déclarerait la guerre à un autre seigneur. (Daniel,Hist. de France, 1729, t. V,p. 185). Cette ordonnance n'eut pas sans doute |un résultat décisif, et l'on vit encore beaucoup trop de guerres privées, mais elle ^diminua du moins leur nombre, et prépara la voie à un état social plus paisible.