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                             LE CHRIST D'iVOIRE            I93

Ce que l'on sait encore, c'est qu'il est revenu à plusieurs
reprises sur son adieu à la vie du monde et que tout nous
révèle qu'il s'était opéré en lui un profond déchirement,
lorsque, en pleine jeunesse, il vint demander à l'Ordre de
saint Bruno « ce doux et gracieux repos et cette ravissante
« tranquillité d'esprit, que le monde ne peut donner. »



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   Trente ans s'étaient écoulés depuis cette époque, et le
vieux moine, qui avait connu, lui aussi, les tristesses de la
vie réelle, sentait revivre, en ce moment, les émotions dou-
loureuses du passé, au récit, que lui faisait Paul Salviati,
des angoisses qui avaient brisé son cœur.
   De suite, il comprit que cet homme, qui avait souffert
comme lui et plus que lui peut-être, était bien de ceux qui
n'ont plus à demander qu'à la vie du cloître, les conso-
lations dont leur cœur a besoin.
   — Paul Salviati, dit-il, comme d'autres, vous avez
éprouvé, jeune encore, que les satisfactions que donne la
vie du monde, sont fragiles et vaines. Cette épreuve nous
suffit, alors même que ce christ ne témoignerait pas de la
profondeur de votre foi de chrétien.
   L'asile que vous demandez vous est accordé. Personne
ne connaîtra jamais votre retraite, et le nom de Paul Salviati
devra être oublié. Car désormais vous ne serez plus connu
que sous le nom de frère Palémon. Dès ce jour, commence
donc pour vous une vie nouvelle : vie de solitude, de
mortification et de prière. Tout ce que vous avez aimé,
vous devez l'oublier, comme vous avez à renoncer non
   N" 3. — Septembre 1894.                            13