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LITTÉRATURE 473 Voilà ce qu'ont crié, tous sur le même ton, Le marbre des parvis, les jardins de Fronton, (1) Les piliers ébranlés aux lectures banales Qui vont se succédant sans répit dans les salles. N'attendez rien de plus : c'est ce que chaque auteur, Du plus mince au plus grand, répète comme en chœur. Or, nous ne tendons plus la main sous la férule ; Comme une autre, à Sylla, nous avons, sans scrupule, Conseillé d'abdiquer et de dormir en paix. (2) Ma patience est à bout, et bien sot ]e serais, Quand le premier venu se prend pour un poëte, D'épargner mon papier, mon encre toute prête. Mais pourquoi, dira-t-on, libre de te choisir Le champ que tes coursiers sont pressés de franchir, Pourquoi, pour t'y lancer, préférer la carrière Que la muse d'Auronque (3) illustra la première ? Si vous avez du temps, vous allez le savoir. Quand l'eunuque énervé prend femme ; quand, le soir, Mévia court le cerf (4) ; que, la mamelle nue, Elle s'arme le bras de l'épieu qui le tue; Quand le barbier, qui m'a rasé dans mon printemps, Rivalise d'orgueil, de luxe avec les grands ; Quand un vaurien du Nil, un rebut de Canope, Un Crispin, enrichi d'un trafic interlope, Rejette sur l'épaule un manteau précieux (1) Personnage qui ouvrait ses jardins aux poètes et aux philoso- phes. (2) C'est-à -dire : je ne suis plus un enfant, et jai fait aussi mes preu- ves à l'école des rhéteurs. (3) Patrie du poëte satirique Lucilius. (4) Dans l'arène.